La presse tunisienne est-elle prête pour le virage numérique?
La presse ne parle jamais de la presse. En principe, tous les faits sont matière à information, sauf quand il s'agit des journaux. La quasi totalité de la presse écrite tunisienne est confrontée à des difficultés financières qui menacent jusqu'à leur existence et pourtant, le public est tenu dans l'ignorance de ces problème. C’est la loi d’airain de la presse. Un journaliste qui se respecte regarderait à deux fois avant de la transgresser. Il a fallu le sabordage de Assarih, l’un des plus forts tirages de la presse tunisienne (40.000 exemplaires), et sa conversion en hebdomadaire pour que le public se rende compte de la gravité de la situation.
Le public ignore que le journal est d’abord une entreprise avec des recettes et des dépenses. 0r, la crise économique que le pays traverse a eu un impact énorme sur les recettes publicitaires dont le journal tire au moins la moitié de ses revenus lui permettant d’être mis en vente à un niveau inférieur au coût de production unitaire. Mais cette crise financière coïncide avec une innovation technologique ( internet, facebook et presse électronique) qui place les journaux face à des défis qu’ils ont du mal à relever. Cette crise n'est pas inédite. La presse en a connue d'aussi graves avec la radio, le cinéma, la télévision et l'émergence des chaines satellitaires. Mais à chaque fois, elle a réussi à en sortir en s'y adaptant. Passée une période d'engouement inévitable elle a fini par récupérer son lectorat. Aujourd’hui, elle est appelée à relever de nouveraux défis. Ce ne sera pas facile. Des journaux étrangers prestigieux comme France Soir, Newsweek sont passés à la trappe pour n’avoir pas pris à temps la mesure des défis qui les attendaient. En Tunisie, si des journaux résistent mieux que d'autres, c'est qu'ils ont su eux aussi négocier le virage numérique.
Comme cela s'est vérifié partout ailleurs, le monde a encore besoin de la presse écrite, y compris les nouveau médias issus de cette innovation technologique. Dans un excellent livre intitulé Sauver les médias, une spécialiste de l’économie de la presse, Julia Cagé, note que «tous les médias, y compris électroniques, se nourrissent de papier. Les journaux télévisés du soir en France se préparent avec le Monde sur les genoux». Elle cite également un ex-P.D.G. de Google qui reconnaît qu’il «avait besoin désespérément que les journaux et magazines réussissent car il nous faut du contenu pour vivre».
C’est le cas aussi de la Tunisie où la presse écrite est devenue une source d’inspiration, une matière première qu’on utilise dans les radios, sur les plateaux de télévision et dans les réseaux sociaux. Mettons à profit cette interdépendance avec les réseaux sociaux et les sites d’information pour dépasser ce cap difficile, comme on l’a fait avec la radio et la télévision et en améliorant le contenu de nos journaux. A cet égard, L’Ipsi est appelé à réviser profondément ses programmes, en élaguant toutes ces disciplines inutiles comme la sémiologie, la sociologie de l'information et les théories de Mac Luhan, ou l’histoire de la presse juive en Tunisie, pour se focaliser sur le niveau du journaliste, car les journaux ont surtout besoin de jeunes qui sachent écrire, qui maîtrisent l’outil informatique et qui soient immédiatement opérationnels et non des «pressologues» certes au fait de tous les problèmes des médias, mais incapables de rédiger un article.
Hédi Béhi
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