Pour donner corps et âme à la démocratie participative en Tunisie: Où trouver des élus intègres et non corrompus ?
De mémoire de Tunisiens, personne n’a jamais entendu des citoyens féliciter leur maire (président de municipalité). Si la perle existe, elle doit-être, non seulement rare mais bien cachée. Alors que les choses devraient bien être plus simples si la fonction de maire n’était pas perçue comme une promotion sociale alors qu’elle est une lourde responsabilité vis-à-vis de la population.
De nos jours, des énergumènes étranges et infatués s’attendent à s’embarquer pour une randonnée quinquennale avec dans leur baluchon toute une ville (ou commune) convulsive, fébrile, explosive. Tout le monde se dit naïvement, avec plein d’assurance et de prétention, qu’une ville, finalement ce n’est pas si compliqué que ça, il n’y a qu’à voir les frasques de mes prédécesseurs, je ne peux faire pire. Et c’est aussitôt parti pour un autre tour, croyant dur comme fer, que le vote sera comme toujours pour un faciès, un look, une représentation assez floue et imprécise de l’élu et de sa fonction, pour une figure familière ou familiale, par intérêt ou par loyauté à la meute, au clan, à la tribu ou tout simplement par mimétisme insensé (servitude quasi culturelle) «nous avons trouvé nos ancêtres agissant ainsi» le Coran / les poètes.
Pendant assez longtemps dans l’imaginaire collectif, le maire était un mythe intangible, tandis que la municipalité (mairie, commune, Baladia…) est ce lieu de tous les espoirs et de toutes les appréhensions.
Une rangée de guichets qui détenaient sadiquement cette paperasse qui déterminait notre existence. Nous nous y rendions humblement quémander ces documents pour les transmettre un autre jour à d’autres guichetiers aussi intransigeants et tordus. Et ainsi se déroulait notre vie, s’étiolait notre santé mentale, s’écrivait notre histoire faite de guichets, de longues files d’attentes, de craintes, de vexations, de supplications, de passe-droits, d’interventions, de pots de vin, de bassesses et d’aliénation.
Aujourd’hui, les temps changent. On nous promet d’introduire dans nos us et coutumes un peu d’humanité. On s’évertue péniblement à réconcilier le citoyen avec ses institutions, histoire de donner corps et âme à cette démocratie participative.
Les collectivités locales représentent le démembrement de l’Etat. Elles sont le cadre idéal de l’exercice de la démocratie locale et participative, et le fer de lance de la décentralisation.
La décentralisation comporte cependant un certain nombre de risques dont notamment la prolifération de la corruption (par exemple, dans les marchés publics, l’immobilier et le foncier…etc.)
Où trouver des fonctionnaires et des élus intègres et non corrompus?
Le maire par définition politique est un consensus populaire. Résultat d’une opération électorale d’addition de voix, il n’est pas le produit de l’administration. Il n’est pas un fonctionnaire banal et anodin qu’un acte pourvu d’autorité administrative arrive à le nommer. Il émane, en principe d’une volonté populaire. C’est au parti, le sien, à qui incombe le devoir d’assumer toutes les défaillances.
Quel que soit l’intitulé sous lequel il agit, ce personnage élu et public doit offrir une écoute attentive aux nombreuses doléances des citoyens. Il ne doit pas se faire prendre otage de son idéologie partisane ou du clan l’ayant mis en orbite électorale.
En outre, le maire est par excellence, le premier magistrat de la ville, il jouit de la qualité d’officier de la police judiciaire et d’officier de l’état civil. Donc il est censé être le premier défenseur de la loi en sa qualité d’élu et de protecteur des valeurs républicaines.Malheureusement, ce n’est pas l’image que distillaient certains de nos responsables de par leurs comportements irresponsables.
Ne voit-on pas des projets dans une municipalité riche en ressources qui se font horriblement au détriment de la population, un réseau d’éclairage public, déjà défectueux lors de sa réception sans que le maire ne conteste la platitude de la réalisation du projet, d’autres projets d’aménagements, d’espaces verts dont la qualité des travaux laisse à désirer, la population n’a aucun droit de regard, ni droit d’appréciation! Puisque le citoyen ne fait pas partie de ce contexte social? Et le Satan(habite dans le détail des choses) propulse l’action corruptive dans ce processus.
Les responsables locaux doivent à l’avenir avoir une vision et une visibilité pour le développement de leurs communes, tenant compte de leurs spécificités et potentialités de chacune et des aspirations de ses citoyens en dehors des discours populistes et clientélistes. L’argument de base réside dans la proximité géographique.
Mais plusieurs questions se posent encore. Il faut des moyens financiers importants pour relancer l’investissement local: comment faire en ces temps de restriction budgétaires et de baisse des dépenses publiques? Il faut des gestionnaires locaux compétents: où les trouver? Comment les former? Il faut des élus locaux et des fonctionnaires intègres et non corrompus aux postes-clés: ce qui est loin d’être le cas sur le terrain.
La meilleure stratégie pour contenir la corruption consiste à promouvoir la formation de coalitions avec les représentants des différents secteurs de la société (secteur privé, public et société civile) sur la base de partenariats développés dans le cadre d’actions concrètes contre la corruption.
Le favoritisme, le népotisme et la corruption sont des aspects négatifs jouant des rôles importants sur les lices et dans les coulisses, sans omettre des farces de lobbying où quelques petits «Rotshilds» locaux pauvrement riches qui tenteront d’imposer leurs candidats tout en restant invisibles sur la scène.
Les communes, villes ou cités font face actuellement à des ordures de toutes sortes dans tous les coins de rues, desnids-de-poule, des cassis et dos d’âne, un manque d’éclairage public, descandélabres défectueux, du désordre environnemental, des décibels hors normes, de trottoirs défoncés, des arbres non élagués, un squattage de lieux publics, des odeurs pestilentielles, de l’informel et la liste noire est encore ouverte.
Pourrions-nous espérer, lors des futures élections, se mettre enfin à voter un programme précis portant des engagements clairement identifiables, impérativement et aisément soumis à l’évaluation et à la critique ? Ce jour où l’on cessera peut-être de négocier le malheur du peuple, de surfer sur la crise du logement, l’alimentation en eau potable, l’électrification, l’acheminement du gaz de ville, le bitumage des routes, l’installation d’un dispensaire à défaut d’un hôpital. Le tout comme s’il s’agissait d’une indépendance tardive.
Mohamed Kasdallah