Mohamed Larbi Bouguerra: Wifi et promesses électorales
Le premier mai, à Ben Arous, M. Rachèd Ghannouchi a promis le wifi à toutes les municipalités qui auraient la bonne idée de voter pour sa formation.
Un vieux routier de la politique française, Charles Pasqua, ancien ministre de l’Intérieur, disait : « Les promesses ne tiennent que ceux qui y croient» même si, dans le cas d’espèce, Ghannouchi peut exciper du fait que son parti contrôle le ministère ad hoc pour la réalisation de sa promesse. Ce qui ne manque pas de nous plonger dans des abîmes de réflexion quant à la légalité d’une telle déclaration dans une république démocratique et un Etat de droit.
Cet engouement pour la technologie de M. Ghannouchi nous rappelle l’usage fait par le FIS algérien de la technique du laser : par deux fois, s’est inscrit dans le ciel d’Alger, par ce moyen, le nom d’Allah (Interview du président Boudiaf in La Presse de Tunisie, 15 mai 1992, p. 8).
Pour impressionner par ce « miracle céleste» les croyants…électeurs et les guider vers le « bon » bulletin de vote!
L’écrivain algérien Rachid Mimouni relevant l’emballement des islamistes pour l’informatique, note : « Lorsqu’ils voient sur l’écran de l’ordinateur s’inscrire nos lettres arabes, ils sont convaincus que la langue du Coran est entrée dans la modernité, ignorant que ce n’est que l’effet du logiciel conçu aux Etats Unis avec la collaboration d’émigrés libanais. »
Ce qui est le plus étonnant dans la sortie de M.Ghannouchi, c’est qu’il n’a pas toujours milité pour l’adoption « des technologies importées prisées par les freluquets de la politique dans nos pays » ni pour l’enseignement « des facultés des sciences, des spécialités médicales et d’ingénieur » comme il le dit dans une conférence prononcée lors de l’année universitaire 1979-1980, à l’occasion de la saison culturelle organisée par les étudiants islamistes de l’Université de Khartoum (Lire Rachèd Ghannouchi et Hassan Tourabi « Le mouvement musulman et la modernisation » en langue arabe, édité par Maktabatou Dar el Fikr, Khartoum et Dar al Jil, Beyrouth, 1984 ; p. 10 et p. 30)
Travaux d’Hercule pour les municipalités ?
Au-delà des contorsions politicardes de tel ou tel leader, la promesse de M. Ghannouchi tendrait à prouver que débarrasser les rues de nos villes -et celles de Ben Arous en particulier- des himalayas d’ordures, des marées toujours montantes des sacs en plastique, des hordes de chiens errants et des hideuses échoppes installées sauvagement sur les trottoirs semble relever de l’impossible. Prudent, M. Ghannouchi ne s’engage pas sur un terrain aussi mouvant.
Juge-t-il que ce sont-ce là des travaux d’Hercule pour nos édiles ? Donc impossibles à réaliser par les humains?
Courageux mais pas téméraire, le leader d’Ennahda promet le wifi mais ne fait pas la moindre promesse pour l’éclairage public et ne présente pas l’ombre du début d’une solution pour mettre fin à la l’effroyable gabegie de la circulation dans nos villes et sur nos axes routiers. Il ne promet pas des feux tricolores pour apprivoiser la jungle de voitures et les meutes des deux roues de notre pays…qui déplore 350 tués sur la route en quatre mois ?
Non, il promet le wifi et…. vive la technologie !
Le wifi est promis d’ailleurs même aux fidèles fréquentant la mosquée.
Peut-on alors respectueusement demander à M. Ghannouchi de donner consigne aux imams du vendredi d’inciter les gens, à chaque sermon, à respecter le code de la route et l’environnement et à afficher sur les mobiles des fidèles…par la grâce du wifi, ces conseils…. dénués de la moindre velléité électorale?
Mohamed Larbi Bouguerra