News - 18.03.2019
Gilles Kepel : Toute nouvelle situation en Algérie rebattra les cartes au Maghreb
« La Tunisie, très préoccupée à l’est et au sud-est par une Libye en état de guerre civile endémique, a une hantise de la déstabilisation », estime Gilles Kepel dans une interview au Journal de Dimanche. Interrogé sur les risques et incertitudes que fait peser la situation en Algérie sur ses voisins, il poursuit : « Le Maroc, rival traditionnel, peut craindre que les dirigeants algériens aient recours à une action militaire externe pour faire diversion de leurs difficultés sur le plan intérieur. Mais il est certain que toute nouvelle situation en Algérie rebattra les cartes au Maghreb. »
Au sujet du rôle du mouvement islamique dans la nouvelle donne, Kepel considère que : « avec sa politique de concorde civile, Bouteflika a offert aux islamistes la possibilité de quitter le champ politique violent pour se réinvestir dans le commerce et les affaires, ce qui leur a permis de se tailler de petits empires. Certes, en cas d’affaiblissement du pouvoir, ils pourraient être tentés, comme en 2011-2012 ailleurs, de jouer leur propre carte. Face à cela, on voit mal aujourd’hui où sont les forces démocratiques constituées qui pourraient relayer les aspirations de la population. »
S’il estime qu’en Algérie « l’histoire ne bégaie pas », il affirme que « ce puissant mouvement pacifique de contestation n’a rien à voir avec la confiscation par les militaires de la victoire probable du FIS au second tour des législatives de 1991. Là, il s’agit d’un système mis en place depuis des décennies qui commence à se déverrouiller. Cela me rappelle davantage ce qui s’est passé en Europe de l’Est à la fin de l’URSS. Tout est possible. »