Lu pour vous - 21.05.2019
''Quelques jours de la vie d'un couple'', le nouveau livre de Rabaa Ben Achour Abdelkefi
Tunis 2005. Omar et Faïza, forment un couple d’apparence loin de tout malheur, de cette génération de quadra, à la vie paisible et agréable. Une grande passion amoureuse les avait mariés, lui originaire des oasis du Sud et elle des îles de Kerkennah. Les voilà confortablement assis dans la vie, appartement à El Menzah, enfants bien élevés, voitures, et bonne situation professionnelle. Rapidement, l’envers du décor se révèle. Le récit romancé s’entrelace en soubresauts et intrigues, où beaucoup s’inspire de la réalité et se nourrit de cette mal-vie des dernières années d’avant 2011.
A chacun ses propres malheurs, son jardin secret, ses souffrances et ses plaies restés à jamais ouvertes. Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi sait faire. Dès qu’elle tient le lecteur par la première page, elle ne le laissera pas quitter le roman. Difficile d’imaginer l’épilogue, tout se construit au fur et à mesure.
Les ingrédients s’ajoutent en se mijotant. La corruption, l’abus de pouvoir, la délation, le contrôle de toute expression, les abus de la police asservie par la dictature et tout un système despotique qui fait peser sur le pays et sa jeunesse une chape de plomb. De l’autre côté, l’islamisme rampant, verrouillant les esprits, propageant le rigorisme et imposant progressivement sa loi, à commencer par les villages lointains où les imams s’érigent en directeurs de conscience. Mais, aussi les secrets de familles où des drames se nouent, sans jamais se dénouer.
Pris en plein dans cette trilogie, Omar et Faïza, chacun de son côté et à son degré, se trouvent dans la tourmente qui les met à rude épreuve. Leur couple s’en trouve sérieusement menacé sous le regard de leurs enfants hébétés qui n’y comprennent rien. Le retour d’Omar dans son village natal, et celui de Faïza à Sfax où sa famille est établie, seront des points d’orgue entre nostalgie, désillusion et déchirures.
Romancière douée, Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi, ne raconte pas, n’écrit pas, mais égrène dans un fil soyeux, images et sensations, paroles et émotions, non-dit et déclaré. Maintenant qu’elle a bien pris le pli après ses deux premiers romans « Ghandi avait raison », et « Borj Louzir » (Comar d’Or), elle confirme un style qui s’affine. Son mérite est de mettre le vécu de sa génération dans une évocation sincère sous un langage épuré. Chaque mot déclenche une image. Chaque image renvoie à une sensation. Attendons son prochain roman pour savoir comment elle traitera les toutes récentes années, si jamais elle en serait tentée.
Quelques jours de la vie d’un couple
De Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi
Sud Editions, 2019, 232 pages, 20 DT
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