Youssef Ouhiba, premier chiffreur diplomatique tunisien décoré, une spécialité essentielle
Décidément, depuis là où il se trouve, le président Béji Caïd Essebsi ne cesse de nous surprendre. La liste des diplomates tunisiens qui devaient recevoir de ses mains leur décoration des insignes de l’Ordre du Mérite national a compris pour la première fois, un chiffreur diplomatique : Youssef Ouhiba. Inspecteur central, il appartient à ce corps essentiel qui est investi de missions des plus délicates, assurant les transmissions entre Tunis et l’ensemble des postes diplomatiques. Mais aussi, intégrant les systèmes de cryptage-décryptage les plus sophistiqués, restant toujours à l’ombre. Ce corps n’avait jamais bénéficié auparavant des honneurs de la République.
Le constatant, Béji Caïd Essebsi l’a décidé. Mohammed Ennaceur l’a accompli. Deux présidents, le premier élu et le second hissé en intérim constitutionnel, qui avaient tous deux été ambassadeurs, et encore plus BCE, ministre des Affaires étrangères, apprécient à sa juste valeur le dévouement compétent et loyal des chiffreurs. Et leur témoignent la reconnaissance de l’Etat.
« Youssef Ouhiba est un capital d’expertise et un modèle de dévouement, commente à Leaders, le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui. Je suis ravi de le voir décoré et je suis persuadé qu’il ouvre ainsi la voie à ses valeureux collègues dans cette spécialité fondamentale pour l’action diplomatique. » C'est là un clin d'oeil à un corps qui est anobli au même titre que les autres métiers de la diplomatie. Jhinaoui y aura beaucoup contribué. Celui des Agents comptables, relevant du ministère fes Finances, et mis à la disposition des Affaires étrangères, espère lui aussi, accéder légitimement, aux décorations.
L'homme de confiance
Youssef Ouhiba, 59 ans, est l’une des figures marquantes de la deuxième génération des chiffreurs. La première, lancée au lendemain de l’indépendance devait se dérouiller toute seule pour sécuriser les transmissions. Elle fera des miracles. Youssef Ouhiba, qui intègrera le ministère des Affaires étrangères en 1982, l'année de la nomination de Béji Caïd Essebsi, et natif comme lui de la Médina de Tunis, était féru de télécommunications et transmission. Au contact de ses aînés, il apprendra rapidement les rudiments du métier et ses ficelles. Une série de stages viendront en perfectionnement. Une fois nommé en poste, le chiffreur assumera en plus, différentes charges complémentaires, comme les affaires administratives, voire celles consulaires, et même de presse et autres. La maitrise des langues, la connaissance du pays et le nombre très réduit des effectifs, l’imposent. Métier de spécialistes, le cryptage allie science, technologie et génie, la passion en plus et la confidentialité hermétique en contrat de base.
Pakistan, Syrie, Algérie...
Curieux destin, Youssef Ouhiba sera toujours affecté dans des postes très sensibles. C’est ainsi qu’il ira au Pakistan en 1986 pour y rester sept ans de suite, jusqu’en 1995, un record. A Islamabad, il fera équipe avec d’éminents ambassadeurs, Sadok Saheb Ettabaa, Mohamed Trabelsi, Jalel Gordah, Mustapha Mizouni… Le périmètre d’accréditation couvre l’Afghanistan qui était alors au début de cette pleine zone de turbulence. Ouhiba y accompagnera l’ambassadeur Saheb Ettabaa quand il devait se rendre à Kaboul rencontrer les nouvelles autorités islamistes, Hekmatyar, Shah Massoud et les autres chefs de factions djihadistes. Toute une histoire à raconter.
Le hasard voudra que le Secrétaire général de l’ONU nomme comme envoyé spécial pour l’Afghanistan, l’ambassadeur exceptionnel Mahmoud Mestiri, ancien ministre des Affaires étrangères, resté toujours proches de ses collègues diplomates. Appelé à séjourner fréquemment à Islamabad, il sera d’une agréable compagnie, très instructive en plus.
Après une escale à Tunis, Youssef Ouhiba est de nouveau à l’étranger, cette fois à Damas. Trois ambassadeurs s’y succèderont durant son affectation : Mohamed Ali Ganzoui, Ezeddine Kerkeni et Hédi Ben Nasr. A chacun son style, la Tunisie pour tous. La Syrie était à cette époque un carrefour central au Moyen-Orient…
Le troisième poste pour Youssef Ouhiba, sera après le 14 janvier 2011, à Alger où il retrouvera l’ambassadeur Néjib Hachana…
De retour à Tunis, il se consacre au renforcement du dispositif de chiffrage, à la formation et à l’acquisition de nouvelles technologies performantes. Son grand bonheur aujourd'hui est d'être décoré ce 2 août, devant cet aéropoage prestigieux, la veille de l'anniversaire de Bourguiba, et avec une pléaide d'excellents collègues, le ministre Jhinaoui, en tête.