Révélations de l'ambassadeur Slaheddine Jemmali en Libye en pleine révolution : Comment Caïd Essebsi avait géré son retour en Tunisie
Il en avait gardé un souvenir inoubliable. L’ambassadeur Slaheddine Jemmali qui vient de s’éteindre était en poste à Tripoli en 2011, au moment du déclenchement de la révolution libyenne. « Face au véritable imbroglio politique, sécuritaire et diplomatique en Libye : quelle attitude doit adopter la Tunisie, nous confiait-il à chaud ? Question subsidiaire, mais non moins importante : comment harmoniser la position officielle, et en faire l’unique ligne de conduite ? Les conditions d’appréciation étaient fort difficiles. Des règles ont, cependant, été immédiatement définies par Caïd Essebsi, arrivé à la tête du gouvernement, le 6 mars 2011. L’orientation était très nette : vigilance absolue et neutralité totale, mais aussi contenir au maximum les uns et les autres, en attendant l’aboutissement de la révolution en cours. Jusqu’où a été cette neutralité ? Difficile à dire, le secret d’Etat n’étant pas encore levé. Avec son habileté coutumière, Essebsi gérait l’avant-scène.
«En gros, avait résumé à Leaders, l’ambassadeur aujourd’hui défunt Slaheddine Jemmali, la Tunisie est passée de l’effet de surprise, sous Mohamed Ghannouchi, à la neutralité qui se voulait équitable entre Kataeb pro-Kadhafi et Thouar, sous Essebsi ». Les principes n’en sont pas divulgués. Mais des analystes avertis les perçoivent clairement. Retiré depuis lors jusqu'à ses derniers jours, dans son magnifique potager à Menzel Bouzelfa, au cœur du Cap Bon, Slaheddine Jemmali ne peut s’y tromper. Ancien secrétaire d’Etat aux Affaires arabes et africaines et ambassadeur à Riyad, Le Caire, Amman et Tripoli, jusqu’à la chute de Kadhafi, il y avait entrevu les cinq lignes suivantes :
- observer une totale neutralité avec tous les acteurs de la scène libyenne
- éviter de conseiller à la communauté tunisienne en Libye de quitter ce pays et la laisser libre de sa décision tout en la mettant en garde contre les dangers qui pourraient la guetter
- se préparer à accueillir tous les Libyens qui chercheraient à trouver refuge en Tunisie
- participer à toutes les réunions sur la Libye en s’abstenant de pousser à l’internationalisation ou à «l’arabisation» du conflit interlibyen
- s’abstenir de toute alliance militaire avec une quelconque partie interne ou externe sur le conflit interlibyen.