Mohamed Adel Chehida: Rêves brisés au fond de la Méditerranée
Pendant que l’euphorie des résultats des élections présidentielles et que les partisans de Kaïs Saïed envahissaient les rues des villes, les perdants tardaient à reconnaître les résultats, notamment un groupe d'adolescents de la région de Sfax partageaient quelques verres en rêvant à un avenir meilleur.
Parmi eux, des amis du jeune Fakher, 17 ans, le poussaient à partir avec eux en Italie, une barque allait traverser ce soir, une Harga organisée. Fils d’une famille aisée Fakher refuse. Devant ses hésitations il est traité de pleutre. Il finit par accepter de les accompagner à condition de ne rien payer. C’était dans la triste nuit du 6 au 7 octobre. En tout cas c’est la version rapportée par ses amis. Sur son dos Fakher avait tatouée une kalachnikov !
Malheureusement à 6 miles des côtes de Lampedusa en pleine nuit la barque commence à prendre de l’eau. Au fond de la barque il y avait des voyageurs de la troisième classe, des africains subsahariens avec des femmes et leurs enfants. Panique à bord appel au secours, quinze tunisiens sont à bord près de la cabine. La barque coule, certains sont sauvés et d’autres malheureusement dispersés dans l’obscurité à 60 mètres de profondeur. A 6 miles de la rive s’arrête le rêve d’un avenir meilleur pour tous les passagers d’une barque.
Aujourd’hui après avoir localisé la barque et avoir été photographiés par des engins sous-marins, les corps éparpillés sous l’eau, des photos horribles nous arrivent. Sept corps sur douze sont repêchés par les autorités italiennes. J’imagine ce qui s’est passé dans la tête du plongeur qui ont eu à séparer l’enfant de la poitrine de sa mère pour les faire remonter sur la barque de la capitainerie, je ne crois pas qu’il pourra oublier ces moment-là.
Sept corps repêchés dans des sacs noir, corps délabrés seront examinées par le médecin légiste qui prendra des échantillons pour l’identification ADN,
Drame insupportable pour tout humain qui croit dans l’universalité des droits de l’homme, épreuves insupportables pour les parents de ces jeunes victimes, qui devront attendre les corps pour faire leur deuil en espérant toujours en un miracle, miracle qui n’arrivera jamais.
Ces parents doivent entreprendre un véritable parcours du combattant pour connaître les procédures et la reconnaissance génétiques.
A qui la faute ? A ces jeunes qui ont osé faire une aventure de « Rjoulia » ? Qu’est-ce qui pousse un jeune à se tatouer une kalachnikov sur le dos et vouloir faire la traversée de la mort ? Est-ce la faute aux politiciens qui n’ont pas su répondre aux attentes de ces jeunes de la révolution. Fakher avait 9 ans en 2011. Est-ce la faute à l’Europe et l’occident qui ferme ses portes et ses frontières aux demandeurs d’une vie meilleur ?
Nous sommes impuissants face à une jeunesse désespérée qui se cherche dans des chimères et des rêves fous. Alors responsables certainement, les autorités tunisiennes le sont mais à ce stade il faut des réponses à ces questions pour calmer les douleurs, en attendant les solutions qui tardent à venir !
Mohamed Adel Chehida
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