Mohamed Nafti: le choix du chef du Gouvernement, un Coup Fantôme?
C’est dans sa transition démocratique que la Tunisie peine et on constate qu’après trois rendez-vous électoraux les mêmes difficultés se rencontrent lors de la formation de l’équipe gouvernementale. Ceci annonce-t-il une crise politique prochaine.
D’abord, si cette crise n’est pas entièrement nouvelle, mais ajoutée aux difficultés de la conjoncture actuelle et à une année 2020 qui s’annonce très pénible, il y a une première source de crise inhérente aux choix politiques du parti Ennahdha: c’est que ce parti aime à troubler le jeu, à brouiller les pistes pour rester maître du champ politique tunisien. C’est du moins ce que constatent beaucoup de tunisiens lorsqu’ils observent le jeu imprévisible auquel s’adonne le parti depuis les élections de 2019. Présenter M. Mourou aux élections présidentielles a surpris plusieurs tunisiens. Le résultat est un premier échec du Parti. Annoncer la candidature de M. Rached Ghannouchi à la présidence du Gouvernement alors que tout le monde le voyait à la présidence de l’ARP était une autre surprise. Faire volte face au dernier moment et le présenter à l’ARP a failli être fatal n’eut été le secours angélique de M. Karoui son ennemi politique numéro un. Le parti essuie ainsi un deuxième échec. Et ça ne finit pas. C’est un autre choix surprenant concrétisé par l’eurêka de l’oiseau rare d’Ennahdha ou le nouveau chef du gouvernement. On attendait M. Abdellatif Mekki ou Zied Laadhari et voilà que la montagne de la Choura a accouché du Coup Fantôme.
On n'est pas en droit d'évaluer le nouveau chef du gouvernement. Ses résultats seuls le jugeront. Mais c’est le choix du parti qui est reproché. Le parti a toujours défendu le « prétexte » de la légitimité. Et si la Constitution lui confère ce privilège et ce droit pour quelle raison voudrait-il l’abandonner? Est-ce que c’est un aveu d’impuissance de gouverner, ou un abandon du devoir de gouverner ou bien une «manœuvre» politique qui justifie le Coup Fantôme.
Dans la stratégie du jeu d’échecs, le coup fantôme paraît inutile pour un novice, mais il s’avère très judicieux dans le jeu positionnel. Une variante de ce coup consiste à échanger son mauvais Fou contre un bon Fou adverse pour gagner dans le développement du jeu et avoir une meilleur position stratégique.
Le jeu d’échecs n’est pas facile à mener. Il était largement enseigné dans les écoles soviétiques pour développer l’esprit stratégique. Mais à l’origine le jeu était inventé par un indien pour distraire un Sultan oisif. Le jeu d’échec développe le jeu stratégique mais pourrait aussi servir à tuer le temps et l’ennui de certains politiciens et amener les novices à patauger et perdre du temps au milieu de petits coups (war -gaming), en négliger de précieux, en dépouiller d’inutiles tout en ayant la certitude de faire la grande stratégie. Croyant faire de la stratégie du jeu d’échec, on pourrait facilement tomber dans la stratégie de l’échec.
Mohamed Nafti