Tunisie - Mais pourquoi sommes nous toujours en retard?
Et pourquoi on trouve cela normal ? Pourtant, le pays est en crise et qu’il n’y a pas une minute à perdre. Les (vrais) hommes politiques, lorsqu’ils se présentent à des élections, ont déjà un programme ficelé et un choix de gouvernement quasiment prêt pour démarrer le plutôt possible.
En Tunisie, rien de tout cela. Ils commencent à se préparer – lentement – après les élections. Nous avons déjà ces expériences de lenteur depuis 2011: nos politiques mettent plusieurs semaines avant de se décider; nos institutions prennent tout leur temps pour trier les bulletins de vote, calculer, vérifier, annoncer des résultats provisoires, attendre encore les réclamations et les vérifications avant d’annoncer des «résultats définitifs». Quelle perte de temps et d’énergie, quelles polémiques et quels chantages entre les uns et les autres. Ils s’en foutent que le peuple attend des changements dans son niveau de vie et dans ses relations avec l’administration. Le fameux slogan, que j’ai entendu il y a quelques années dans un pays fort lointain et miséreux – le Soudan – était un sigle: I.B.M. Quand j’ai demandé quoi? Un Soudanais m’a rit au nez: c’est notre système de fonctionnement ici. «Inch’allah, Boukra, Maalich», I.B.M. En clair: revient demain et si demain tu n’as rien, ne t’en fais pas «maalich»… J’étais loin de penser qu’un jour, mon pays, qui était très avancé sur le Soudan (et même sur le Maroc et l’Algérie), qui était moderne et tout, tomberais un jour si bas. Tout en disant, j’entends les jeunes, «c’est normal». La normalité tue. Elle tue la conscience. Elle vampirise l’énergie. Personne n’a l’air indigné ou choqué, à commencer par la «caste» politique.
J’ai pensé faire une petite comparaison avec des pays «démocratiques» voisins. Voilà le résultat:
Grèce:
1 jour a suffi entre l’élection, la prestation de serment et la formation du gouvernement.
Élu dimanche 7 juillet 2019, Kyriakos Mitsotakis est investi Premier ministre le lundi 8. Il annonce dans la foulée la composition de son gouvernement, avec une promesse: relancer l'économie.
Espagne:
6 jours pour former un gouvernement
1er juin 2018 : Pedro Sánchez Pérez-Castejón est investi par le Parlement comme président du gouvernement. Le 2, il prête serment. Le 7, la composition du gouvernement est annoncée.
France:
11 jours entre l’élection du Président et la tenue du premier Conseil des ministres et seulement 2 jours entre la nomination du Premier ministre et la formation du gouvernement
7 mai 2017 : Emmanuel Macron est élu président de la République, à l'issue du deuxième tour de l'élection.
14 mai: Emmanuel Macron est investi dans ses fonctions.
15 mai: Édouard Philippe est nommé Premier ministre.
17 mai: La composition du gouvernement est annoncée après vérification de la situation fiscale et des possibles conflits d'intérêts de tous les membres du gouvernement.
18 mai: Le premier Conseil des ministres se réunit. Le travail commence.
Tunisie:
Plus de 2 mois entre les élections et la formation d’un gouvernement, au minimum
6 octobre 2019: élections législatives.
8 novembre: publication des résultats officiels définitifs.
13 novembre: les députés prêtent serment.
15 novembre: Habib Jemli est désigné chef du Gouvernement. Il dispose d’un mois renouvelable (2 mois en tout) pour constituer son gouvernement. Les tractations commencent.
Samir Gharbi