Samir Gharbi: Visites inopinées... et après?
Après la politique du "contact direct" menée par Bourguiba dans les années 1960 puis dévoyée par ses ministres qui lui montraient des faux puits, des vaches et des fruits amenés pour le décor... Et des gens qui applaudissent transportées par bus… Et des écoliers qu'on sortait de l'école pour l'applaudir... Bourguiba a été trahi et un jour l'histoire le démontrera malgré ceux et celles qui continuent aujourd'hui à le décrier même mort! Quelle haine! Quelle impolitesse! Quelle tromperie!
Je ne veux pas dire par là que Bourguiba n'a pas fait d'erreurs. Oh que si! Et de bien graves. Qui ne se trompe pas. Encore plus dans un pays où tout était à faire (1955-1956). Bourguiba a fait ce qu'il a pu avec les hommes qui l'entouraient et en qui ils avaient pleinement confiance. La plupart de ses hommes se sont révélé des traîtres, y compris sa seconde épouse, y compris sa nièce... y compris bien sûr Ben Ali. L’histoire les jugera… quand les langues des derniers témoins vivant se délieront. Auront-ils le courage de le faire? Je l’espère.
Mais là n'est pas le sujet de ce billet. Le sujet: les visites inopinées...
Ce concept politique a été inventé par Ben Ali en 1992 pour justifier la création du funeste «26.26». Un compte géré par lui à sa guise (hors budget), qui a servi un peu à financer quelques projets de lutte contre la pauvreté et qui a servi beaucoup à l’enrichissement de sa famille et des ses amis...
Malheureusement, chez nous, il n'y a pas cette tradition démocratique de voir l'Etat nouveau faire un bilan sérieux du régime passé. Il a été très mal fait pour Ben Ali, avec une incompétence notoire et un objectif qui n'était pas la vérité et l’intérêt national, mais la vengeance, les règlements de compte et les arrangements. Auront-nous un jour le vrai bilan de cette entreprise, le nom des vrais responsables de cet échec? J’en doute.
Donc, pour revenir à mon sujet, les Tunisiens de ma génération n’ont pas un bon souvenir des «visites inopinées».
Et que je vois-je depuis le 13 novembre? Le nouveau président Kaïs Saïed s’adonner à cette activité: visite inopinée à Ouardanine, au Kef, à Siliana, à Bent Jedidi, à Radès et à La Goulette… Je ne vais pas dire que c’est une mauvaise chose, au contraire. Ce que je veux dire, c’est que nous ne devons pas retomber dans les erreurs du passé.
Si le président Kaïs Saïed, qui est plein de volonté et d’enthousiasme, veut que ses visites servent à quelque chose, il faut plus que des images vidéo. Il faudrait, à mon humble avis, que chaque visite fasse l’objet, quelques jours après, d’un rapport public, une sorte de «témoin» et que ce témoin fasse la «course» entre les ministres, les responsables, les députés pour qu’enfin il débouche sur des actions concrètes. Il ne suffit pas de lever les bras pour dire que le sort appartient au Bon Dieu.
Alors et seulement alors, face aux actions concrètes, les Tunisiens verront que la visite inopinée du chef de l’Etat a servi a quelque chose, qu’elle a amélioré la destinée des personnes visitées.
Samir Gharbi