Hédi Béhi: J'y suis, j'y reste
C'est un truisme que de dire que l'homme politique tunisien aime le pouvoir. Nous sommes ce que Stuart Mill, le philosophe et économiste britannique du XIXe siècle, a appelé «un peuple de coureurs de places, un peuple où la politique est déterminée principalement par la course aux places». C'est le crédo de l'homme politique tunisien, toutes tendances confondues l'unique objet de son désir. Dès qu’il a goûté aux honneurs qu’il procure, il ne veut plus le lâcher. J'y suis, j'y reste. Avec le temps, il ne s'imagine plus en homme ordinaire. Le pouvoir devient sa raison d'être. C'est pourquoi une défaite aux élections est un véritable drame pour lui et il n'aura de cesse de le récupérer. Le cas échéant, il essaiera de le transmettre à sa descendance. Les exemples ne manquent pas : Bourguiba, Caïd Essebsi, Ben Ali, Kadhafi ont eu des tentations dynastiques.
ll y a quelques décennies déjà, l’ancien doyen de la faculté de Droit d’Aix en Provence, Charles Debbasch qui connaissait bien la Tunisie pour y être né avait expliqué que les mouvements de protestation des jeunes engagés sous la bannière de la défense des libertés étaient avant tout l’expression d’une volonté de chasser ceux qui sont au pouvoir pour prendre leur place quitte à devenir, une fois qu’ils y sont, les partisans les plus sûrs de l’autoritarisme. A croire que cet attachement au pouvoir est un élément constitutif de notre ADN.
Ecoutons encore Stuart Mill : «Il y a des peuples où la passion de gouverner autrui surpasse tellement le désir de l’indépendance personnelle que les hommes sacrifieront volontiers la substance de la liberté à la simple apparence du pouvoir».
Hédi Béhi