Mohamed Kasdallah - Un service (militaire) de la deuxième chance: Un concept de lutte contre la déliquescence des jeunes
En proposant ce titre, j’ai voulu aborder un thème qui aura des chances d’être prochainement au cœur des débats à la lumière de l’arrivée au pouvoir de son initiateur principal qui n’est autre que le Chef du Gouvernement pressenti Monsieur Elyès Fakhfakh. «Le service de la 2ème chance», c’est le nom donné par ce dernier au concept préconisé. Sans parti pris, je trouve l’idée géniale mais qui reste tributaire de l’adhésion de la masse pour qu’elle prenne toute la dimension et s’élève au rang de trouvaille.
Un service de deuxième chance: de quoi s’agit-il?
Dans le programme électoral pour les présidentielles, il a été suggéré par M. Elyès Fakhfakh un système de récupération et de sauvetage des dizaines de milliers de jeunes tunisiens ayant quitté prématurément l’école et abandonnés sur la route. Ces jeunes devront être confiés à l’Institution militaire pour faire d’eux des citoyens modernes pleinement intégrés dans une société animée d’un solide esprit de défense.
Il serait vain et surtout présomptueux de balayer en ce court article l’ensemble du sujet mais il est possible d’explorer quelques orientations de recherches et de développer des orientations susceptibles de contribuer à la réalisation de cette vision.
L’Armée bénéficie aujourd’hui et depuis le début de la révolution, d’une image très positive et d’un large soutien de l’opinion. C’est donc à l’aune de ce constat qu’il est intéressent d’examiner certains aspects de la faisabilité de cette réflexion dans la perspective de la maintenir à long terme sur un chemin de l’excellence mais aussi qu’il va falloir développer et entretenir pour faire face aux défis spécifiques des décennies à venir.
Une approche en trois points sera retenue:
• En amont du service actif
Il s’agit de faire connaitre à la jeunesse la place de la défense dans la société, d’en cultiver les valeurs et de susciter chez elle un intérêt générateur de motivations. L’effort essentiel pendant cette phase devrait être porté par des acteurs extérieurs à la défense et en particulier le milieu éducatif au sens large: famille, école, mouvements associatifs divers et toute autre institution dont on peut attendre une attitude plus constructive dans le domaine.
• Dans l’exercice du service actif
Il importe que le jeune enrôlé dans ce service adapté trouve dans l’armée ce qu’il vient y chercher à savoir, en plus d’une formation militaire adéquate, une formation professionnelle des plus fiables.
Aussi, je souhaiterai mettre en avant trois qualités qu’il faudra cultiver chez le jeune pendant son service: aguerrissement, polyvalence, et équilibre psychologique. Ces qualités devront irriguer sa préparation à confronter dans les meilleures conditions les défis du futur.
Pour spécifique qu’il soit, la formation du «jeune citoyen soldat» n’a de sens que dans le cadre de la Nation et en symbiose avec elle. Il importe donc de développer et d’entretenir les liens Armée-Nation en éveillant les consciences, éduquant les esprits et forgeant les âmes.
• En aval du service
L’objectif à poursuivre est de susciter et d’entretenir chez le jeune rendu à la vie civile un consensus au profit de la défense et des forces armées. En clair, il faudra faire de lui le meilleur avocat de l’armée dans la société. Au-delà de son assertion dans la réserve citoyenne à vocation relationnelle, il importe de porter un effort significatif sur la réserve opérationnelle dont le taux d’emploi reste en-deçà des possibilités offertes.
Après presque une décennie d’exercices budgétaires déficitaires, la réforme en général n’a pas gagné un pouce. Hélas, nos gouvernants sont des hommes politiques avant d’être des hommes d’Etat. Ils font de la politique à coup de mesurettes sans aller au fond des choses.
L’évocation de ce système de «service de deuxième chance» par la tête de l’exécutif donne l’occasion à l’Armée de repenser en profondeur son action réformatrice. Férue de planification et d’anticipation, l’Armée nationale devrait dégager des moyens importants pour une remontée en puissance afin d’entamer la concrétisation du concept et faire aboutir ce système rénovateur. Il convient de moderniser les infrastructures d’accueil, les conditions de mobilité mais aussi les temps d’entrainement, et surtout la régénération des forces concernant tout le facteur humain.
Il est de coutume dans certains pays, en France notamment, qu’un exercice prospectif dit livre blanc (Ambition 2030 du Président de la République) définisse les ambitions pour les prochaines années et de ce fait, il constitue la donnée d’entrée de l’exercice budgétaire programmatique. Pourquoi ne pas s’en inspirer?
Il faut bien en convenir que la gestion du pays est en bout de course. Nous avons besoin d’homme politique baroudeur, capable de décider, de mouiller le maillot, de prendre des risques et d’occuper la place qui lui revient. J’espère de tout cœur que la nouvelle élite qui va prendre les rênes du pouvoir soit compétente, intègre et fascinée par l’avenir.
Demain se gagne aujourd’hui, il faut donc stimuler l’émergence des synergies, fédérer les efforts, accéder à une vision globale et périphérique des enjeux et porter son regard au-delà de l’horizon.
Enfin, à tous ceux qui ne voient que des nuages s’accumuler au-dessus de nos têtes tourmentées, il faut leur signaler qu’il y a aussi du soleil et de l’éclat dans les yeux.
Mohamed Kasdallah