Sami Chaouch - Face aux conséquences du Covd-19 et à la récession annoncée : Oser
Depuis l’Amérique du Nord où il exerce à la tête d’organismes d’analyse financière et de gestion de fonds, Sami Chaouch nous fait parvenir une analyse économique et financière globale pertinente. Un choix cornélien dans le monde entier, à faire entre confinement généralisé et prolongé synonyme de paralysie économique totale aux lourdes conséquences, ou action ponctuelle et redémarrage immédiat de l’économie ?
Si le coût humain de la crise actuelle fait l’objet d’un suivi constant, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander une plus grande attention à la débâcle économique qui s’annonce. Aux États-Unis, selon JP Morgan hier lundi 23 mars, au second trimestre cette année, la production chuterait de 30% (en taux annuels) et le chômage grimperait à 13% (plus de 5 millions d’emplois perdus actuellement, 2 à 3 millions de plus sont à venir). Selon le Wall Street Journal du même jour, en l’absence de mesures de confinement, le virus pourrait tuer jusqu’à 2.2 millions de personnes.
Les décisions récentes vont certainement réduire significativement l’impact. En retour, l’état la production chuterait de $1.5 trillions, le déficit monterait à $2 trillions et l’économie pourrait se contracter entre 7 et 10% selon les scénarios. Un rapport récent de la Deutsche Bank mesure plus précisément ce que signifie la « distanciation sociale » pour plusieurs industries. C’est tout à fait édifiant.
Bien sûr, des mesures de mitigation ont été mises en place : le plan actuellement négocié au Congrès américain injecterait $1.8 à $2 trillions, en plus des programmes de soutien de la Fed (rachat de la dette notamment). L’Europe, le Japon et la Chine ont pris à leur tour des initiatives similaire. C’est sans précédent. Mais malheureusement, ce n’est pas assez : l’ensemble des marchés financiers ont perdu plus de $26 trillions depuis mi-février, dont $15 trillions aux États-Unis seulement, effaçant en quelques jours plus de 3 ans et demi de gains boursiers. La débâcle - plus de 34% -est la pire enregistrée depuis des décennies.
Si le marché semble ne pas croire aux mesures de soutien, c’est probablement parce que la réponse des gouvernements n’est pas encore à la hauteur du problème : Il ne s’agit pas de subventionner l’économie à coup de chèques aux entreprises et/ou aux particuliers mais bien de faire redémarrer et fonctionner l’économie. Et si peu jusqu’ici a été fait dans ce sens.
Fort heureusement, on commence à constater que quelques voix hétérodoxes commencent à se faire entendre : la Grande-Bretagne a volontairement tardé à mettre son économie à l’arrêt, et il semble de plus en plus probable que les États-Unis pensent à limiter considérablement la portée et la durée de leur mesure. Encouragé par les avancées certaines de la compréhension de la maladie et les promesses de certains traitements, le président Trump annonçait lundi : « Our country wasn’t built to be shut down. America will, again, and soon, be open for business. Very soon. A lot sooner than three or four months. We cannot let the cure be worse than the problem itself ». Bon sens ? Pressions des milieux d’affaires ? Les deux à la fois sans doutes.
On se met désormais à parler de moins en moins en termes de plan de sauvetage ou de subventions, mais davantage de gestion des risques. À l’instar de M. Trump lundi, on ose des comparaisons avec d’autres fléaux : le tabac, les accidents de la circulation, entre autres. De nombreux économistes (de Chicago, Harvard, et autres institutions habituellement peu favorables aux positions de l’Administration américaine actuelle) proposent de réévaluer l’ampleur, la durée, les coûts versus les avantages du « shut-down ». Car s’il est politiquement correct (rentable ?) de se satisfaire d’un confinement prolongé, couplé à de gigantesques subventions directes ou indirectes, certains (réalistes ou cyniques selon les points de vue) s’interrogent sur le coût immédiat et futur infligé à l’économie, qui, in-fine, aura un cout humain considérable.
Il ne faut pas s’y tromper : une récession comme celle que l’on nous annonce est synonyme de chômage, de pauvreté, de crise sanitaire et de mortalité accrue…
Si le virus actuel tue, la récession et ses conséquences matérielles et psychologiques tueront sans doutes aussi peut-être davantage. Plus lentement, mais surement. En silence.
Le monde n’a jamais expérimenté encore les effets d’un arrêt total des activités sur la planète. On commence à peine à en sentir les effets. Ils sont désastreux sur la première économie du monde. Ils seront catastrophiques sur les pays émergents. Avant de prendre la décision de prolonger le confinement au-delà de ce qui est indispensable (2 semaines, 3 semaines, 1 mois ?), pensez-y. Pour De Gaulle, « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille”. Pas plus, sans doutes, qu’elle ne doit se faire sur les réseaux sociaux. Une évaluation est nécessaire ; elle doit être multiple, rationnelle, dépassionnée, indépendante.
Car, très bientôt, il faudra oser.
DB‐Covid‐19-Recession Risks & Markets – March 6, 2020
Sami Chaouch
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C'est un article qui met les points sur les répercussions de l'arrêt économique engendré par la covid-19. Mais on va avoir nécessairement l'économie d'après guerre une économie de relance où l'Etat va reprendre son rôle économique tant comme initiateur qui va relancer l'économie: principalement de financer des nouveaux investissements.