Tunisie – Union européenne : Amalgame délibéré autour du « don de 250 millions d’euros »
Mettez du Covid-19, forcez sur l’amalgame et le tour est joué pour les saltimbanques de Bruxelles face à la niaiserie de certains chez-nous ! L’Union européenne fait-elle un nouveau don de 250 millions d’Euros à la Tunisie, où s’agit-il tout simplement d’une « accélération de décaissement » d’un montant déjà alloué depuis 2018 ? Ce montant, converti en dinars, aurait comblé le tiers des 2.5 milliards de dinars réclamés par Fakhfakh pour les surcoûts de la pandémie. Contrairement à l’habitude du département, le communiqué publié ce samedi par le ministère des Affaires étrangères, faisant état d’une conversation téléphonique entre le ministre Noureddine Erray et le Commissaire européen à l’Elargissement et à la Politique de voisinage, Oliver Varhelyi, manque de précision. On y découvre cependant, non sans stupéfaction, que le coût de la santé d’un Tunisien pour l’UE est désormais de … 5 euros par an ! Eclairages. Plus encore, aucune nouvelle requête n’a été soumise à Bruxelles. La totale !
Le communiqué mentionne que « le Responsable européen a notamment fait part de la décision de l’UE d’autoriser le décaissement accéléré au profit de la Tunisie d’un appui budgétaire sous forme de dons, à concurrence de 250 millions d’Euros et ce, pour lutter contre le coronavirus et ses conséquences socio-économiques. » Sans faire référence à une réallocation, ce qui est le cas, en fonction des nouvelles contingences, de quoi entretenir l’amalgame.
Eclairage.
L’hallali encenseur
Au risque d’être induits en erreur, les Tunisiens, peu initiés au langage diplomatique et à ses euphémismes, seraient porter à croire qu’il s’agit d’une nouvelle enveloppe, exceptionnelle, consentie par Bruxelles en faveur de la Tunisie. La bonne foi de nombre de nos confrères, même ceux de la presse financière, en a été abusée. Un hallali a encensé les réseaux sociaux, toute la soirée du samedi. Comme pour gâcher cette « euphorie », un facebooker avait craint que « ce don fabuleux risque de dissuader les petits donateurs de continuer à envoyer quelques dinars au 1818 ». Un autre, se voulant anti-malversation irréductible, s’est inquiété de voir « le pays crouler désormais sous la manne étrangère, avec toutes les convoitises qu’elle pourrait susciter », exigeant d’ores et déjà « une commission d’audit. » On est dans le délire… des pauvres !
Qui a bloqué quoi et pourquoi ?
Quant à « autoriser le décaissement accéléré », il permet de dépasser sans doute les blocages imposés par l’Union européenne, pour des raisons non-mentionnées. Dans ce cas, il faudrait comprendre des manquements des autorités tunisiennes à remplir leurs engagements y afférents pour pouvoir débloquer les tranches convenues. A cela, il faudrait ajouter que depuis au moins cinq mois, aucun contact de haut niveau entre le gouvernement sortant, puis son successeur, n’a été établi avec Bruxelles, à l’exception de quelques échanges furtifs. On ne sait même pas si la visite officielle du président Kais Saïed au Royaume de Belgique, programmée pour juin prochain, comprendra une séquence Union européenne.
Bref, une opacité en non-dits qui n’éclaire guère l’opinion publique tunisienne et ne respecte pas son droit d’accès à l’information.
Passe-passe
Curieusement, dans un jeu de passe passe, ce même communiqué est publié sur la page officielle FB de l’ambassadeur de l'Union européenne en Tunisie, sous le titre accrocheur de « L'#UE avec et pour la #Tunisie pour ensemble faire face au #COVID-19 ▶️ », avant d’être repris sur celle de l’Union européenne en Tunisie. Dans un amalgame laissant croire qu’il s’agit d’un communiqué commun, aucune référence n’est faite quant à son émanation, en fait, du ministère tunisien des affaires étrangères.
Ils se jouent de qui ? Et pourquoi leurs-vis-à-vis se laissent-ils faire ? A lire les commentaires laudateurs et « reconnaissants » de certains internautes (dont d’anciens diplomates) postés sur la page de l’ambassadeur européen, il y a de quoi rougir … et de s’indigner ! La manip a pris !
La Tunisie a-t-elle présenté une nouvelle requête ?
Dès l’entrée en fonction du gouvernement Fakhfakh, la pandémie du Covid-19 a imposé une nécessaire restructuration des différents projets bénéficiant d’appui au titre de la coopération internationale et leur et consolidation. Ceux déjà initiés avec le concours de l’Union européenne, et validés depuis mai 2018 ont certainement fait partie du lot. Mais, ce n’était là qu’un premier pas pour pouvoir introduire de nouvelles requêtes urgentes qu’exige le nouveau contexte sanitaire, économique et social. Or, les « exégètes » des communiqués officiels ne relèvent guère la moindre allusion à une nouvelle contribution ne serait-ce qu’évoquée par la Tunisie lors de cette communication. Encore moins, une réponse même de principe de la part de Bruxelles.
Que cesse ce manège !
L’unique geste mentionné est la modique injection par l’Union européenne de 40 millions d’euros additionnels au profit du programme « Santé/ Sahti Aziza », faisant passer le montant total de 20 à 60 millions. « Triplant son montant », claironne le communiqué officiel, ce don permettra d’étendre le bénéfice du projet de 13 aux 24 gouvernorats que compte le pays. Un calcul rapide attribue ainsi une moyenne de 2,5 millions d’euros à chaque gouvernorat. Pour un projet de santé sous l’intitulé « Ma santé est précieuse » …
Profitant de « la situation nouvelle » dans notre pays, les fonctionnaires de Bruxelles noient les incrédules sous leurs acrobaties verbales. Plus encore, ils nous précisent maintenant le prix de notre santé : 5 euros par tête d’habitant… Sans indiquer pour combien d’années !
Erreur de casting, ici, erreur de com, ici et là, et faux calculs : que cesse ce manège qui n’a que trop durer !