Le «fait maison», une ancienne pratique revenue en force, boostée par la crise sanitaire
Par Ridha Bergaoui - Le «fait maison» ou «fait main», en anglais «Home-made» ou «Hand-made» ou «Do it Yourself» (DIY) est le fait de réaliser soi même les choses au lieu de les acheter directement dans le commerce. Porté par la méfiance du consommateur vis-à-vis des produits industriels et l’attrait du naturel, le «fait maison» connait un renouveau et un essor important en cette période de crise sanitaire.
Les domaines concernés par le «fait maison»
Presque tous les domaines de la vie quotidienne sont concernés par le «fait maison». Chacun selon ses penchants, ses aptitudes et ses intérêts personnels peut s’investir dans un ou plusieurs domaines comme la cuisine-pâtisserie, la couture, le tricot et crochet, le jardinage, les produits de beauté, les produits d’entretien, le bricolage, la confection de bijoux et accessoires divers, les objets décoratifs… Fabriquer son yoghourt, confectionner un gâteau d’anniversaire, faire une belle composition florale avec les fleurs du jardin, réparer son abat-jour… sont autant d’activités ludiques intéressantes.
Une pratique qui remonte chez nous à très loin
En Tunisie, le fait maison, surtout dans le domaine alimentaire, date de très longtemps et était la règle jusqu’il y a une trentaine d’années. Nos parents étaient des partisans de la Oula et à chaque été s’organisaient pour préparer et conserver, pour l’hiver, divers aliments importants (huile et conserves des olives, couscous et autres dérivés du blé, harissa et tomate, viande séchée ou kaddid). Le changement du mode de vie avec le logement dans les appartements exigus et l’émancipation de la femme ont entrainé l’abandon de la Oula. La disponibilité des réfrigérateurs et congélateurs, devenu présents dans presque toutes les cuisines, et le développement des industries alimentaires ont facilité le passage de l’usage des aliments auto-préparés à l’utilisation de produits achetés du commerce. Le pain et les gâteaux de l’Aïd étaient «faits maison» et amenés au fourneau du hammam ou de la boulangerie du quartier, pour la cuisson, à des heures parfois tardives. La prise de repas hors foyer était très rare et les fast-foods inexistants.
Du «fait maison» on en trouve également dans la fabrication du savon (à partir de l’huile d’olive de second choix et de la soude), la distillation des fleurs et feuilles d’arbustes aromatiques (comme la fleur de bigaradier, la rose ou le géranium), l’utilisation de l’argile (tfall) pour se laver les cheveux, l’usage du henné pour la teinture des cheveux et la décoration des mains et pieds, la broderie, tapisserie et bien de multiples autres produits et biens nécessaires pour la vie de tous les jours ou pour la constitution du trousseau de la mariée.
Depuis, les produits industrialisés ne cessent de se diversifier, de se multiplier et d’envahir les étagères des supérettes. Les produits made in China très bon marché, généralement d’imitation et de qualité fort douteuse, ont remplacé nombreux de nos produits traditionnels suite à la détérioration du pouvoir d’achat du consommateur.
La crise sanitaire a boosté le «fait maison»
La crise sanitaire de la covid-19 a complètement bouleversé nos habitudes. Pour faire face à ce fléau, les autorités ont imposé aux habitants des mesures préventives comme le confinement partiel ou total, l’interdiction des rassemblements, la limitation des déplacements des personnes et le couvre feu, la fermeture des commerces- restaurants-cafés, le port du masque-gel hydro alcoolique-masque… Le travail a distance ou télétravail est privilégié aussi bien pour les salariés que les élèves et étudiants et le e-commerce avec livraison à domicile devenu la règle.
Ces mesures ont obligé les gens à rester à domicile beaucoup plus longtemps qu’avant. Pour passer le temps, s’occuper et afin d’éviter de sortir dans la rue pour faire la queue devant le boulanger, le pâtissier, le restaurant ou le fast-food et autres commerces, de nombreuses personnes se sont rabattues sur le »fait maison». Ils se sont mis à cuisiner, préparer eux même leurs produits d’entretien ainsi que leurs produits de beauté, bricoler et réparer des objets en panne jetés dans le débarras.
Cette pratique a pris ces derniers temps de l’ampleur partout dans le monde. Elle est devenue un phénomène de mode et une tendance générale.
Le pain et les gâteaux étaient les premiers produits concernés par la tendance «fait maison» au cours des périodes de confinement suite à la pandémie de la covid-19. On se rappelle bien, lors du premier confinement surtout, la pénurie en farine et semoule, les étagères des grandes surfaces vides et des scènes de bousculades pour s’arracher un paquet de ces produits devenus très précieux. Durant cette période, en Europe, la vente des petites machines pour la fabrication du pain avait littéralement explosé.
Les aliments industriels réputés nocifs pour la santé
Certes les aliments industriels sont très pratiques et permettent de gagner beaucoup de temps lors de la préparation des repas. Ils sont également plus économiques, surtout lorsqu’il s’agit de produits de première nécessité subventionnés par l’Etat comme le pain et le couscous et les pâtes. Ces produits sont contrôlés et garantis sur le plan sanitaire et répondent à des normes internationales relatives aux produits alimentaires.
Toutefois, ces produits industriels transformés contiennent des quantités importantes de constituants bon marché comme le sel, le sucre et les graisses et huiles. L’ingestion excessive de ces aliments prêts à l’emploi ou prêts à la consommation peut entrainer des problèmes de surpoids et d’obésité qui favorisent de nombreuses pathologies cardiovasculaires et le diabète de type 2.
Ils contiennent également de nombreux additifs alimentaires (représentés par la lettre E sur l’étiquette de l’emballage) comme les colorants, les conservateurs, les antioxydants, des agents de texture et des exhausteurs de gout... Ces additifs, surtout ceux qui sont issus de synthèses chimiques, peuvent occasionner certains problèmes de santé chez certaines personnes particulièrement sensibles. Allergies, migraines et retards de croissance chez les jeunes ont été signalés. Ils sont également soupçonnés d’être potentiellement cancérigènes.
Pourquoi du «fait maison»?
Le « fait maison » est d’abord un gage de qualité et de sécurité puisqu’on contrôle, la nature, la quantité et la qualité des ingrédients utilisés pour la confection des produits. Ceci permet d’éviter les produits chimiques nocifs qu’on peut rencontrer dans les produits industriels très élaborés. Ce facteur est déterminant s’agissant des produits alimentaires et cosmétiques en lien direct avec la santé.
Il entraine une économie non négligeable, les produits «fait maison» reviennent beaucoup moins chers que les produits similaires vendus dans les commerces.
Le consommateur est de plus en plus conscient des défis écologique. Il cherche à utiliser des produits sains, naturels et non polluants. C’est une occasion de lutter contre la surconsommation, le gaspillage et la surexploitation des ressources au niveau de la planète. C’est également ne pas acheter des produits superflus, réduire ses emballages polluants et encombrants et la possibilité de recyclage et de récupération de certains produits disponibles chez soi.
Le « fait maison », c’est fuir le stress et les contraintes professionnelles pour passer d’agréables moments en famille, des moments de complicité, de divertissement et de loisir. C’est le plaisir et la fierté de faire des choses utiles soi même ou en famille et de renforcer les liens et la cohésion du groupe.
C’est enfin le moyen de se distinguer et de confectionner des choses uniques et personnalisés.
Avantages, limites et contraintes du «fait maison»
Le boom du «fait maison» avec la pandémie de la covid-19, est tout d’abord dû à la disponibilité des gens suite à la généralisation du télétravail et les restrictions en matière de déplacements.
Par ailleurs, le «fait maison» demande peu de moyens et ne nécessite pas forcément un matériel spécifique. Il est accessible à tout le monde moyennant une dose de motivation et de bonne volonté. De nombreux sites Internet et pages des réseaux sociaux présentent des recettes et des tutoriaux qui facilitent l’exécution et la réalisation des différentes tâches pour réussir le « faire soi même ».
Le «fait maison» représente une excellente occasion pour arracher les enfants de leurs écrans bleus (Smartphones et tablettes), dont les méfaits ne sont plus à démontrer, et les occuper avec des activités ludiques, utiles et intéressantes.
Pour la préparation des différentes préparations et recettes, il faut d’abord pouvoir se procurer les ingrédients de base nécessaires. Il y a une vingtaine d’années, on trouvait encore dans les grandes villes, des drogueries qui vendaient les produits chimiques les plus courants, les produits d’hygiène et d’entretien. Avec l’arrivée des supérettes, ces drogueries ont malheureusement complètement disparus.
En Europe, le bricolage a été toujours un domaine important du « fait soi même ». Faire appel à un spécialiste pour la construction ou les réparations coute très cher. Il est plus judicieux de s’équiper et d’apprendre à faire les petits travaux soi même soit pour les réparations au niveau de la maison et ses équipements soit pour le petit électroménager et la voiture. Les plus téméraires s’engagent à faire de gros travaux et même de se lancer dans la construction de leurs logements sans faire appel à des professionnels, juste les amis ou les parents qui viennent aider les week-ends. Ceci a entrainé la multiplication et le développement des bricocenters et la culture de la débrouille.
Le «fait maison», source de revenu
Le «fait maison» peut être source de revenu. De nombreux produits, surtout des gâteaux, des préparations traditionnelles diverses…, sont confectionnés par de petits artisans chez eux et vendus à des habitués ou des clients recrutés de bouche à oreille ou à travers les groupes actifs sur les réseaux sociaux.
Les produits «fait maison», ne contiennent ni conservateurs ni antioxydants, se conservent mal et doivent être consommés dans les quelques jours qui suivent. Les produits destinés à la vente (en particulier dans l’alimentation, les produits de soins et d’entretien) doivent répondre à des standards sanitaires et sécuritaires très stricts et porter des indications sur la date de préparation et la date limite d’utilisation.
Ces activités du secteur informel et ces ventes sur les réseaux sociaux doivent être réglementés, encadrés et régularisés. Les personnes impliquées peuvent par exemple bénéficier du statut d’auto-entrepreneur, profiter des encouragements et de soutiens de l’Etat, payer leurs impôts et rembourser la Tva.
On peut même penser à la création d’une association et un label national « fait maison » qui sauvegarde les intérêts tant du producteur que du consommateur. En France, les restaurants peuvent afficher, sous certaines conditions, le label et le logo «fait maison», officiellement reconnu signe de qualité.
Conclusion
Avec la pandémie de la covid-19, le «fait maison» revient en force. C’est une tendance internationale qui ne cesse de se développer et de s’imposer.
Pour les personnes, c’est une occasion pour disposer de produits naturels sains, de qualité, faire des économies et préserver l’environnement.
Pour d’autres, c’est un travail à plein temps et une source de revenu. Toutefois, compte tenu de la nécessité de veiller à l’innocuité et la sécurité de ces produits mis en vente au public, ce secteur doit être réglementé et contrôlé afin de préserver les intérêts de tous.
Le « fait maison » n’est certainement pas une mode qui disparaitra bientôt, avec la disparition de la pandémie, mais un concept, un mode de vie et de consommation écologique et responsable qu’il faut soutenir et encourager.
Ridha Bergaoui
Professeur universitaire
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Le home made une industrie naissante Le produit home made était depuis belle lurette une pratique exercée dans toutes les régions du pays, chacune ayant ses propres spécialitées. Depuis mon jeune âge j’ai vu se produire certaines de ces pratiques dans ma famille à l’instar de la quasi-totalité desfamilles sfaxiennes. Ces pratiques étaient généralement partagées entre le père et la mère avec de temps en temps l’aide de leurs enfants filles et garçons sachant que le lot le plus important incombait à la mère. Celle-ci deveait tous les ans à un moment précis de l’année pocéder à la préparation de la ‘Oula’c'est-à-dire préparer l’approvisionnent annuel du foyer en coucous , mhammas, zmmit bsissa et certaines autres denrées alimentaires .. Le jour de la ‘Oula’ était presque une fête. La mère invitait quelques autres femmes parmi ses proches ou ses voisines pour l’aider à accomplir la mission. Outre la ‘Oula’ la femme devait aussi préparer les conserves de tomates sous forme de pate conservée ou de tomates asséchées. Dans les eux cas la mère se faisit aider par ses enfants surtout les filles. La mère avait aussi à préparer le kaddid- viande sèche qu’on conserve dans l’huile d’olive et qu’on utilise dans cetains plats comme le couscous le mhammas la chorba le tchich la chakchouka etc pour remplacer la viande fraiche. La femme devait aussi préparer les épices nécessaires à sa cuisine. Telles étaient les principales besognes accomplies par la mère.Quid maintenant du père ? Celui-ci devait avant tout, dans son temps libre et hors de son travail, s’occuper de son jardin ; il semait il plantait il arrosait il taillait il piochait etc ; Il assurait presque tous les besoins de sa famille pour ce qui était des légumes et des fruits et il vendait le surplus s’il y’avait lieu, au souk du merkez ou du village. Avec parfois l’aide de ses enfants males le père faisait sécher les figues pour produire ce qu’ appelle le charih. En plus de tout cela il y’avait naturellement quelques autres besognes que le père et la mère devaient accomplir . Je précise que ce que j’ai dit sus haut se rapporte particulièrement à Sfax sans nier que beaucoup d’activités simulaires étaient et sont encore également pratiquées dans toutes les régions du pays. Toutes les denrées que noua avons ci-dessus énumérées étaient destinées à répondre aux besoins du foyer. Mais après l’indépendance et avec la détérioration de la situation économique et du pouvoir d’achat surtout au lendemain de la prétendue révolution du 14 janvier 2011 certaines gens ont pensé qu’il leur fallait trouver des sources de revenus. Ce fut la naissance de quelques petites industries manuelles telles que la fabricaion de gateaux la distillation de dfférentes roses , l’élevage des abeilles ,la préparation de la Oula du kaddid’viande sèche’la malsouka ou feuilles de brik ou le hlèlem dite douida à Sfax et d’autres denrées alimentaires. Certains de ces produits sont devenus des marques connues telles que gourmandise, taqacim les parfums Kolsi ou Mezio etc. Certaines familles sont devenues célèbres à l’instar des Masmoudi, Rekik, Hachicha pour les gâteaux et les jus, Jemal, Kotti et d’autres encore pour la Oula le kaddid la tabouna le mabsout (pain familier très connu et très apprécié à Sfax) etc. Certains de ces produits sont même exportés vers la France l’Allemagne l’Italie et d’autres pays. Même le Kaddid et le mergez- les saucisses- sont devenus exportables et la livraison peut être faite à domicile et il y ‘a même un transporteur particulier qui accomplit cette tache. En guise de conclusion disons que cetaines de ces petites industries sont devenues florissantes et que le tunisien ne manque pas d’imagination. Abfelkader Maalej