Lecture des résultats des élections au sein de la commission de droit international des nations unies du 12 novembre 2021
Par Hajer Gueldich - Hier 12 novembre 2021, se sont déroulées les élections de la Commission de Droit international des Nations unies (CDI) pour la période 2023-2027, à New York, à l’occasion des travaux de la 76ème session de l’Assemblée générale des Nations unies.
C’est un événement qui a marqué les Nations unies et les travaux de l’Assemblé générale en ce mois.
Le mandat des trente-quatre (34) membres de la Commission du droit international pour le quinquennat 2017-2021 (prorogé jusqu'en 2022) expirera fin 2022. L'élection des membres de la Commission pour un mandat de cinq ans prenant effet le 1er janvier 2023 (jusqu'au 31 décembre 2027) a eu lieu, au scrutin secret, lors de la 32e séance de l'Assemblée générale en sa soixante-seizième session, tenue hier. Cet événement, qui se prépare déjà depuis deux ans et pour lequel les internationalistes du monde entier attachent le plus grand intérêt, a connu une compétition particulièrement intense.
Neuf candidats Africains ont été élus (dont un marocain, un Algérien et un Égyptien).
1. Qu’est ce que la Commission de Droit international?
Crée le 21 novembre 1947 par l'Assemblée générale des Nations unies, la Commission de droit international a pour mission de favoriser le développement progressif et la codification du droit international. Cette commission est composée de 34 membres élus par l'Assemblée générale pour un mandat de cinq ans, elle se réunit tous les ans. Son siège se trouve à Genève en Suisse.
Ses membres, pris collectivement, représentent les principaux systèmes juridiques du monde. Ils siègent en qualité d'experts et à titre individuel et non en qualité de représentants de leur gouvernement. Ils couvrent un vaste éventail de sujets de droit international régissant les relations entre États.
Les travaux de la Commission de droit international consistent essentiellement à rédiger des projets d’articles sur des questions de droit international, dont certaines sont choisies par la Commission et d'autres par l'Assemblée générale. Lorsque la Commission finit de rédiger un projet d'articles sur une question donnée, l'Assemblée générale convoque généralement une conférence de plénipotentiaires chargée d'incorporer ces articles dans une convention qui est ensuite ouverte à la signature des États, les États signataires s'engageant formellement à être liés par ces dispositions. Certaines de ces conventions forment la base même du droit régissant les relations entre États.
La Commission de droit international des Nations unies, crée depuis 1947, a fait des pas décisifs dans le processus de formation, d’évolution et de développement du droit international public.
2. Résultat des élections de la CDI pour le mandat 2023-2027
Le Statut de la Commission de droit international , tel qu'adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 174 (II) du 21 novembre 1947 et tel qu'amendé par la suite, dispose à l'article 2 que la Commission se compose de trente-quatre (34) membres qui doivent être des personnalités reconnues ayant une compétence reconnue en matière de droit international. Parmi les conditions de forme : élection de membres n'étant pas ressortissants du même État et en cas de double nationalité, un candidat est réputé être ressortissant de l'État dans lequel il exerce ordinairement ses droits civils et politiques.
Chaque État Membre de l'Organisation des Nations unies ne peut pas présenter plus de quatre candidats, dont deux pourraient être des ressortissants de l'État proposant et deux ressortissants d'autres États. Les membres de la Commission sont élus pour cinq ans et sont rééligibles pour un deuxième mandat.
Les trente-quatre (34) membres actuels de la Commission de droit international ont été élus selon le schéma établi au paragraphe 3 de la résolution 36/39 du 18 novembre 1981. Ainsi, la répartition des sièges à la Commission pour le mandat de cinq ans prenant effet le 1er janvier 2023 sera le suivant:
• Neuf ressortissants d'États africains;
• Huit ressortissants des États d'Asie-Pacifique;
• Trois ressortissants d'États d'Europe orientale;
• Six ressortissants d'États d'Amérique latine et des Caraïbes;
• Huit ressortissants d'États d'Europe occidentale et autres États;
Pour ce qui est des résultats :
États africains (9 sièges)
Nombre de bulletins de vote: 193 ; Nombre de bulletins nuls : 1 ; Nombre de bulletins de vote valides : 192 ; Abstention : 0 ; Nombre de membres présents et votants : 192 ; Majorité simple requise des membres présents et votants : 97.
Etaient élus : Jalloh Charles C. (Sierra Leone), Sall Alioune (Sénégal), Okowa Phoebe (Kenya), Cissé Yacouba (Côte d'Ivoire), Fathalla Ahmed Amin (Egypte), Ouazzani Chahdi Hassan (Maroc), Laraba Ahmed (Algérie), Savadogo Louis (Burkina Faso), Mingashang Ivon (République Démocratique du Congo).
États d'Asie-Pacifique (8 sièges)
Nombre de bulletins de vote: 193 ; Nombre de bulletins nuls : 2 ; Nombre de bulletins de vote valides : 191 ; Abstention : 0 ; Nombre de membres présents et votants : 191 ; Majorité simple requise des membres présents et votants : 96.
Etaient élus : Patel Bimal N. (Inde), Mangklatanakul Vilawan (Thaïlande), Asada Masahiko (Japon), Nguyen Hong Thao (Viet Nam), Huang Huikang (Chine), Lee Keun-Gwan (République de Corée), Mavroyiannis Andreas D. (Chypre), Tsend Munkh-Orgil (Mongolie).
États d'Europe orientale (3 sièges)
• Nombre de bulletins de vote: 193 ;
• Nombre de bulletins nuls: 1 ; Nombre de bulletins de vote valides : 192 ; Abstention : 1 ;
• Nombre de membres présents et votants: 191 ; Majorité simple requise des membres présents et votants : 96.
• Etaient élus: Zagaynov Evgeny (Fédération de Russie), Aurescu Bogdan (Roumanie), Paparinskis Mārtinš (Lettonie).
États d'Amérique latine et des Caraïbes (6 sièges)
• Nombre de bulletins de vote: 193, Nombre de bulletins nuls : 0, Nombre de bulletins de vote valides : 193, Abstention : 0,
• Nombre de membres présents et votants : 193, Majorité simple requise des membres présents et votants : 97.
• Etaient élus : Grossman Guiloff, Claudio (Chili), Vázquez-Bermúdez Marcelo (Equateur), Galindo, George Rodrigo Bandeira (Brésil), Oyarzábal Mario (Argentine) Ruda Santolaria, Juan José (Pérou), Argüello Gómez Carlos José (Nicaragua).
États d'Europe occidentale et autres États (8 sièges)
• Nombre de bulletins de vote: 193, Nombre de bulletins nuls : 0,
• Nombre de bulletins de vote valides: 193, Abstention : 0,
• Nombre de membres présents et votants: 193, Majorité simple requise des membres présents et votants : 97.
• Etaient élus: Fife Rolf Einar (Norvège), Galvão Teles Patrícia (Portugal), Nesi Giuseppe (Italie), Akande Dapo (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), Reinisch août (Autriche), Équitations Penelope (Nouvelle-Zélande), Forteau Mathias (France), Oral Nilüfer (Turquie).
Notons que le candidat qui a représenté la Grande Bretagne, Akande, est d’origine nigérienne. Il est professeur de droit international public à l'Université d'Oxford et co-directeur de l'Institut d'Oxford pour l’éthique, le droit et les conflits armés (ELAC).
En novembre 2020, il a été nommé candidat du Royaume-Uni à la Commission du droit international des Nations Unies pour la période 2023-2027. En juin 2021, il a été annoncé qu'Akande avait également été nommé par le Japon, le Kenya, la Slovénie et le Nigéria et était le premier candidat à être nommé par les pays de quatre groupes régionaux des Nations Unies dans l'histoire du droit international. Voila comment on prépare les candidatures au niveau international.
Autre fait marquant dans les élections d'hier c'était l'élection, pour la première fois, d'une femme juriste venant de l'Afrique.
La première femme africaine à être nommée à la Commission était Mme Mwangala Beatrice Kamuwanga de Zambie en 1991 et, malheureusement, elle n'a pas été élue. Il a fallu encore 30 ans à un État africain pour désigner une femme. Cela signifie une marginalisation totale des femmes africaines au sein de la Commission du droit international pendant plus de 70 ans d'existence, malgré la rhétorique accablante de l'inclusion et de la diversité des genres dans les divers organes des Nations Unies.
Cette marginalisation a enfin pris fin avec l'élection de la première femme africaine au sein de la CDI, hier 12 novembre 2021. Il s'agit de Mme. Phoebe Okowa qui est professeure de droit international public à l'Université Queen Mary de Londres. Diplômée distinguée de l'Université de Nairobi et de l'Université d'Oxford, juriste de renommée internationale, les qualités et les qualifications du professeur Okowa parlent d'elles-mêmes. Elle a enseigné et mené des recherches en droit international public au plus haut niveau dans différentes universités à travers le monde pendant plus de 25 ans.
Ce vote pour la professeure Phoebe Okowa à la Commission du droit international des Nations Unies est une victoire pour l'inclusion du genre et le début des efforts pour lutter contre l'exclusion et la discrimination contre les femmes africaines en droit.
3. Quel rôle peut jouer la diplomatie tunisienne pour présenter et appuyer des candidatures tunisiennes?
Il est dommage que la Tunisie ne présente pas, ou très peu, de candidatures aux organisations internationales, surtout pour des postes aussi prestigieux, tels qu’à la Commission de droit international, la Cour internationale de justice ou la Cour pénale internationale.
Les Universités tunisiennes ne manquent pas de cadres pédagogiques et professionnels et de Professeurs éminents en matière de droit international. Les Tunisiens ont cet atout de maîtriser trois langues de travail des Nations unies (l’arabe, le français et l’anglais). En outre, les experts et professeurs universitaires tunisiens (spécialisés en droit international public et privé) ont une réputation mondiale et sont très bien accueillis dans les meilleures Universités du monde.
Il reste que la diplomatie tunisienne doit jouer un rôle plus actif pour soutenir les candidatures tunisiennes aux postes internationaux. Ce genre de campagnes doit s’organiser et se préparer des années à l’avance.
En plus du travail, de longue haleine, à faire au niveau des organisations internationales, notamment l’ONU, la diplomatie tunisienne devra aussi bien mener son travail de présentation et d’appui des candidatures tunisiennes au sein des groupes africains et au sein de l’Union africaine.
Dans ce sens, il est intéressant de s’inspirer des expériences comparées et voir comment les pays étrangers interviennent concrètement dans le processus de recrutement des organisations internationales. Généralement, il est crée un service de la Direction des Nations unies et des organisations internationales au sein du Ministère des affaires étrangères qui a pour mission principale de promouvoir la présence de personnels nationaux dans les organisations internationales. Son rôle est notamment d’informer le public sur les opportunités d’emploi; informer les candidats sur les procédures de recrutement et les conseiller dans leurs démarches; soutenir les meilleures candidatures; être le point de contact privilégié avec les compatriotes en poste dans les organisations internationales; informer les pouvoirs publics sur la place des candidats nationaux dans les organisations internationales; coordonner la gestion des dossiers des fonctionnaires détachés auprès des organisations internationales, etc.
Par ailleurs, il est important de noter que la Tunisie n’a jamais eu de postes à la Commission de Droit international. Il est grand temps de s’y mettre, d’autant plus que l’Egypte, l’Algérie et le Maroc ont déjà pu avoir des candidats élus pour des mandats de 15 ans et plus.
Par ailleurs, les candidatures féminines au niveau du monde arabe et du monde africain sont rares. Aussi, c’est l’occasion pour notre pays de miser sur les candidatures féminines et montrer au monde que nous avons des internationalistes de renommé et des candidatures très compétitives qui peuvent avoir un poids et même avoir toutes les chances de gagner.
Préparons nous d’ici 2027.
Hajer Gueldich
Professeure agrégée des Universités à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
Université de Carthage et Commissaire élue de la Commission de Droit international de l’Union africaine (CUADI)
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