Un état Palestinien: Une revendication plus que centenaire
Par Mohamed Salah Ben Ammar - Peu de gens s’en souviennent ou cherchent à le rappeler, mais la lutte des Palestiniens pour un état souverain remonte à plus d’un siècle, bien avant 1948. La Palestine était alors occupée et administrée par la Grande-Bretagne. Alors que le gouvernement britannique actuel multiplie les prises de positions partisanes en faveur d’Israël et lui vend des armes, il est crucial de rappeler la responsabilité historique des Britanniques et des puissances occidentales dans les drames que vivent les palestiniens aujourd’hui.Trois Livres Blancs pourraient résumer la trahison des palestiniens par la puissance occupante, la Grande Bretagne.
Le premier, publié en 1922 et appelé "Livre blanc de Churchill". Il visait à limiter le territoire du foyer national juif et à contrôler l’immigration juive. Ce document affirmait expressément que la Palestine ne deviendrait pas exclusivement un État juif. A travers ce Livre blanc les britanniques cherchaient avant tout à calmer la colère des palestiniens.En 1929, les Palestiniens se soulevèrent principalement pour demander un état et pour défendre les lieux saints, notamment le Mur des Lamentations à Jérusalem, un site sacré pour les Juifs situé près de l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa, un lieu saint pour les musulmans. Ils protestaient contre la politique d’immigration juive et la colonisation des terres, encouragées par le mouvement sioniste et le gouvernement britannique de l’époque. Rapidement, les violences se propagèrent à d'autres villes, notamment Hébron, Safed et Jaffa. Les affrontements firent des centaines de morts et de blessés des deux côtés.
Suite à ces événements, un second Livre blanc fut publié en 1930, connu sous le nom de "Livre blanc de Passfield". Ce document remettait en question la poursuite de l’implantation juive et favorisait l’emploi de la population arabe. Il fut cependant annulé en 1931 sous la pression des institutions sionistes internationales.
Enfin, le troisième Livre blanc, élaboré en 1939 après la Grande Révolte palestinienne (1936-1939) et connu sous le nom de "Livre blanc de Mac Donald", restreignait la vente de terres aux Juifs et limitait l’immigration juive à 75 000 personnes sur cinq ans. Il proposait également la création d’un État palestinien unitaire et indépendant dans un délai de dix ans.
Revenons un instant à la Grande Révolte palestinienne de 1936-1939. Ce soulèvement majeur des Palestiniens contre l’administration britannique avait pour seule et unique revendication l’indépendance de la Palestine. La révolte se déroula en deux phases principales : une première vague de grèves et de manifestations en 1936, suivie d’une insurrection armée plus organisée de 1937 à 1939. L’échec de la révolte entraîna le démantèlement des forces paramilitaires palestiniennes et l’arrestation ou l’exil de leurs leaders. Les Britanniques, tout en promettant la création d’un État en Palestine dans les dix ans, facilitaient l'immigration juive, provoquant ainsi une opposition croissante des Palestiniens. La Grande Révolte palestinienne de 1936-1939 demeure une insurrection marquante dans l’histoire du conflit israélo-palestinien et sera la première d’une série d’échecs militaires et politiques des Palestiniens face à des puissances impérialistes disposant de moyens infiniment supérieurs.
Les actes terroristes sionistes commis à l’époque en Palestine mandataire sont d’une violence inouïe. Ces actes terroristes ont été perpétrés par des milices sionistes - Lehi, Irgoun, Haganah et Palmach - contre des citoyens arabes de 1920 à 1948 pour les effrayer et les obliger à quitter leurs terres et leurs villages. Pendant cette période, la Haganah, armée par de puissantes organisations sionistes, a commis des centaines d’attaques contre des paysans palestiniens désarmés. Des factions radicales comme l'Irgoun, formée en 1931, adoptèrent des tactiques de représailles encore plus violentes contre les Palestiniens, se scindant en 1939 pour donner naissance au Lehi.
S'ensuivit une série d’attentats terroristes commis par les sionistes pour effrayer les Palestiniens. Le plus célèbre est celui du 22 juillet 1946 contre l'Hôtel King David. L'Irgoun, sous la direction de Menahem Begin, attaqua l'hôtel, provoquant la mort de 91 personnes. Toujours l’Irgoun, le 12 décembre 1947, fit exploser une voiture piégée en face de la porte de Damas, provoquant la mort de 20 personnes. Le 4 janvier 1948, le Lehi fit exploser un camion devant l’hôtel de ville de Jaffa abritant le quartier général de la milice palestinienne al-Najjada, tuant 15 personnes et en blessant 80 dont 20 grièvement. Dans la nuit du 6 au 7 janvier, à Qatamon dans la banlieue de Jérusalem, la Haganah fit exploser l’hôtel Semiramis, soupçonné d'abriter des miliciens palestiniens, tuant 24 personnes. Le 7 janvier, à Jérusalem, des membres de l’Irgoun lancèrent une bombe à un arrêt de bus, tuant 17 personnes. Le 18 février, une bombe de l’Irgoun explosa dans le marché de Ramla, provoquant la mort de 7 personnes et en blessant 45. Le 28 février, le Palmach commet un attentat à la voiture piégée dans un garage de la Haïfa arabe, faisant 30 morts et 70 blessés. Enfin, le terrible massacre de Deir Yassin, le 9 avril 1948, commis par l'Irgoun et le Lehi, fit entre 100 et 120 morts. Nombre des auteurs de ces attentats terroristes devinrent des hommes politiques de premier plan, tels que Menahem Begin, Yitzhak Shamir, et Ariel Sharon, qui en 1982 supervisa le massacre de milliers de Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila.
Aujourd’hui, nombreux sont encore les intellectuels occidentaux qui nient l’existence même d’un peuple palestinien. Pire, les souffrances du peuple palestinien les laissent indifférents, laissant entendre que la lutte contre le terrorisme justifie les 40 000 morts, qui pour la plupart sont des civils, et la destruction des villes, des hôpitaux, des universités et des écoles se justifierait par la destruction des caches d’armes.
Ils avancent des arguments bibliques datant de 3000 ans mais oublient le passé récent.
Des drones guidés par l’intelligence artificielle qui lâchent des bombes sur des civils, c’est une forme de terrorisme. Ce ne sont pas des dégâts collatéraux mais des innocents tués. Peu importent les moyens utilisés, rien ne peut justifier le meurtre d’un seul enfant, d’un seul civil, quelle que soit sa religion ou sa couleur de peau. Tout comme les références historiques utilisées dans ce conflit la lutte contre toutes les formes de terrorisme, sans exception, ne doit pas être à géométrie variable. A moins…que le fait d’être palestinien signifie pour eux ennemi à abattre ?
Mohamed Salah Ben Ammar