Exposition "Fragments d’un refuge" de Rima Hassan: Mémoire de soi(e)
Par Hassan Arfaoui - Pour sa septième édition, Jaou Tunis, la biennale des arts contemporains de souffle africain et à vocation universelle propose, du 9 octobre au 9 novembre 2024, une programmation variée sur le thème de "Arts, résistances et reconstruction des futurs". Organisée par la Fondation Kamel-Lazaar, elle porte une expression multiple du Sud Global. Parmi notamment les 9 expositions qui se tiendront à cette occasion, celle des photos de Rima Hassan, la militante palestinienne et députée européenne, nous interpelle par la profondeur portée sur la cause d’un peuple opprimé.
"Mémoire de soi(e)" évoque avec soin la double résonance de l'exposition de Rima Hassan, "Fragments d’un refuge": celle de la mémoire intime, tissée avec la délicatesse de la soie, et celle des histoires collectives, entrelacées comme des fils brodés qui racontent l'exil comme demeure en commun.
À travers cette métaphore, se propose l'évocation des broderies palestiniennes, où chaque motif renoue les liens brisés, répare les racines arrachées, et restaure les souvenirs enfouis de terres, de demeures et de vergers dont ne subsistent que les clefs devenues symboles des promesses du retour à venir.
C’est dans cette trame délicate que l’exposition photographique de Rima Hassan prend tout son sens.
Militante infatigable et députée au Parlement européen, Rima Hassan est une figure emblématique de la cause palestinienne. Mais plus que les mots militants, c’est par l’art, et en particulier la photographie, qu’elle choisit d’éduquer le regard sur l'exil palestinien et capter ce que le discours politique distant ne peut saisir : l’émotion, la poésie, l’humanité créatrice qui nourrit l'espoir à l’encontre d'une tragédie insoutenable.L’exposition se déploie en trois volets : d’abord, la documentation brute et sans artifices de Rima Hassan; ensuite, une interprétation des images par une intelligence artificielle, qui propose un regard nouveau et troublant; enfin, une dimension interactive, engageant le spectateur dans un dialogue entre les récits humains et ceux générés numériquement. Cette structure, en apparence complexe, ne fait que renforcer la portée des récits des réfugiés, tout en nous incitant à réfléchir sur l'influence croissante de la technologie dans notre compréhension du monde.Dans "Fragments d’un déluge", Rima Hassan, elle-même née dans un camp de réfugiés en Syrie, dépeint avec une intensité rare la vie quotidienne des Palestiniens dispersés dans les camps de Jordanie, du Liban, et de Syrie. Ses photographies ne se contentent pas de documenter ; elles révèlent la force de la résistance et de l’identité palestiniennes, enracinées malgré des décennies de répression, de dépossession et de sanglantes et incessantes tentatives de déracinement. Elles montrent la résilience exemplaire d’un peuple dont l'espoir est tissé dans les fils de son Histoire plurimillénaire. Comme le disait si magnifiquement l'immense poète palestinien Mahmoud Darwish: "Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir (...) Espoir de libération et d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l’école (...) Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom originel: terre d’amour et de paix."(*)Ainsi, à travers l'objectif de Rima, l'exil devient non seulement un récit de douleur, mais aussi une toile où chaque fil est une promesse, une revendication de soi, un espoir tissé dans la résistance et la soif de vivre.
Hassan Arfaoui
(*) Fragments du discours prononcé à l’intention de la délégation du Parlement international des écrivains, Ramallah le 25 mars 2002