News - 24.10.2024

Retour sur le parcours continu de Mansour Moalla: compétence, courage politique et intégrité

Retour sur le parcours continu de Mansour Moalla:  compétence, courage politique et intégrité

Par Mongi Lahbib, ancien ambassadeur. Un Homme de conviction et d’action, que le Tout Puissant lui prête une longue vie. Diplômé de l’ENA de Paris, titulaire d’un doctorat endroit de la Sorbonne – traitant de la continuité de souveraineté de l’Etat tunisien - Mansour Moalla a marqué de son empreinte l’économie de la Tunisie indépendante.

Il contribua ainsi avec Hédi Nouira à la création de la BCT, en 1958, dont il fut le Directeur Général.

Visionnaire, pragmatique œuvrant à conjuguer croissance économique et promotion sociale il a supervisé l’élaboration de trois plans quinquennaux (III, IV et VIème plans) avec pour objectifs successifs: la libéralisation de l’économie, suite à l’échec de l’expérience des  coopératives, le développent de l’industrie manufacturière et l’engagement de réformes économiques et fiscales.

La promulgation de la loi d’avril 1972, la création de l’API et du fonds de promotion et de décentralisation industrielles ont contribué à la diversification du tissu économique de la Tunisie. Celle-ci étant devenue, à un moment, le premier pays exportateur industriel du sud de la Méditerranée sur le marché européen.

Ceci a permis de consolider la résilience de notre économie et de jeter les bases de la montée en gamme de notre production industrielle.

Trois agences foncières dédiées à l’industrie, au tourisme et à l’habitat furent créées en plus de la caisse d’épargne logement et du commissariat général de développement régional.

Fondateur de la BIAT et du groupe d’assurances GAT Mansour Moalla fut l’initiateur de la création de six banques mixtes de développent en partenariat avec des pays  maghrébins et du Golfe.

Ceci a favorisé, avec la création de l’institut arabe des chefs d’entreprises, le développement du secteur privé.

Le courage politique face aux contrariétés et à l’adversité

Cette stratégie globale de maillage sectoriel et territorial a contribué à la dynamisation de l’économie et l’élévation progressive du niveau de vie des citoyens. Elle n’a pas cependant permis d’anticiper et de prévenir de graves crises politiques et socio-économiques, notamment à la fin du règne du Président Bourguiba.

Le caractère présidentialiste du régime, les manœuvres politiciennes et l’intermittence de la participation de Mansour Moalla au gouvernement n’ont pas cependant favorisé la continuité de la stratégie de développement mise en œuvre.

Homme de caractère connu pour sa rigueur et son franc parler Mansour Moalla a subi cinq traversées des désert (1961, 1969, 1974, 1983…. 1993) ayant été «remercié», démissionné ou vilipendé.

A ce titre, il s’est opposé aux «projets pirates» non-inscrits aux plans de développement et considérés «faits de prince», entre autres, le projet du métro de Sahel.

Il s’est prononcé pour la réforme progressive de la caisse de compensation des produits de base et fut désavoué publiquement et en direct à la télévision par Mohamed Mzali, alors Premier Ministre.

La plus longue et éprouvante traversée du désert fut celle de 1993, à la suite  de son éviction brutale et hargneuse de la BIAT par le Président Ben Ali, que Mansour Moalla  avait subie avec courage et dignité.

Suite à la révolution, il a repris la publication de ses analyses et propositions politiques et socio-économiques qui n’ont pas eu l’écho qu’elles méritent. Un hommage lui fut rendu en 2020, pour célébrer son œuvre, précédé par celui du Président de la BAD dont il est l’un des fondateurs.

Mansour Moalla, «régionaliste»?...

Accusé parfois d’être régionaliste, celui-ci  avait rétorqué qu’il ne pouvait se résoudre à se séparer d’un collaborateur compétent du seul fait qu’il est sfaxien.
J’ai été personnellement témoin de son impartialité à l’occasion des «conférences de méthode» hebdomadaires qu’il avait animées à l’ENA où il ne se privait pas de bonifier des camarades sfaxiens de son humour corrosif. Du reste Sfax n’a pas été avantagée par les différents plans de développement dont il a supervisé l’élaboration.

Mansour Moalla, fut parmi les rares responsables à émettre des réserves au sujet de l’implantation à Gabès du «pôle de développement» des industries chimiques, conscient qu’il est des ravages de la pollution que  ce projet allait engendrer.

Son mérite aussi est d’avoir contribué à la formation d’une pléiade de hauts cadres de l’Administration à l’ENA et au sein du Ministère du Plan dont plusieurs furent promus à des fonctions gouvernementales et diplomatiques, et ce en leur inculquant, «la méthode», le sens de l’Etat et la primauté de la chose publique de manière à «servir»… sans se  servir.

Garder espoir, rétablir la confiance, célébrer le mérite

Rappeler qu’à une certaine  période, la parité du dinar était de 2.3 dollars américains et que le pays réalisait parfois une croissance à deux chiffres pourrait constituer un motif de fierté… ou de déprime.

L’économie tunisienne traverse depuis près d’un quart de siècle une crise multiforme, aggravée par la révolution: fuite de capitaux et des cerveaux, stagflation, délabrement de l’infrastructure, dépendance  énergétique, aggravation de la dette et du chômage, augmentations salariales sans rapport avec la productivité....
Cette économie est cependant encore résiliente et relativement attractive en raison de son agilité, de sa capacité d’adaptation, de l’emplacement géostratégique et la qualité des ressources humaines du pays.

Le développement ne se décrète pas. A cet égard, le rôle d’hommes d’Etat charismatiques et visionnaires est important, voire primordial, à l’instar de Deng Xiao Ping en Chine, de Mahatir  Mohamed en Malaisie  ou de Lee Kuwan Yew à Singapour. Il n’en demeure pas  moins que le développement demeure une œuvre collective nourrie d’adhésion, de sacrifices et  d’accumulation d’avoir et de savoir.

Ce qui implique l’enracinement d’une culture de travail, d’innovation et de méritocratie. Ce qui implique aussi un climat d’affaires de confiance, de prévisibilité et de sécurité notamment juridique.

Pour faire face aux défis géopolitiques, économiques, technologiques et du changement climatique il est urgent de rétablir la confiance en engageant les réformes structurelles nécessaires, réhabiliter le travail et l’initiative dans le cadre d’une vision mobilisatrice concertée.

Il n’est de véritables indépendance et souveraineté que politique, économique et technologique alliant croissance économique, justice sociale et préservation de l’environnement.

A cet égard Mansour Moalla s'est distingué par sa démarche globale, sa sensibilité précoce aux problématiques de l’environnement, et son esprit prospectiviste transcendant les contingences locales et les calculs politiciens et les promesses électoralistes .

‘’Un politique pense à la prochaine élection, l’homme d’Etat à la prochaine génération.’’  
Abraham Lincoln

Mongi Lahbib
Ancien ambassadeur

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