Tunisie: L’huile d’olive au Japon, un produit précieux et un marché florissant
Par Ridha Bergaoui - Selon les données de l’Office national de l’huile (ONH), durant l’année 2023-24, la Tunisie a exporté 195 368 tonnes d’huile d’olive vers essentiellement l’Espagne, l’Italie, la France et les Etats-Unis. Profitant d’une mauvaise production en Espagne (principal producteur mondial), et d’une forte demande mondiale, la Tunisie a pu réaliser des recettes exceptionnelles grâce à l’exportation de l’huile d’olive à des prix très intéressants. La plus grande partie de nos exportations a été faite en vrac, reconditionnée et commercialisée sous des marques étrangères. Seules 28 600 tonnes (soit 14,6% de la quantité totale exportée) ont été exportées sous forme conditionnée.
Augmenter l’exportation d’huile conditionnée et conquérir de nouveaux marchés
La Tunisie est de plus en plus présente lors des concours internationaux. En 2023, elle a remporté 217 médailles en participant à 33 concours. Cette performance semble de prime à bord intéressante. Toutefois, en se référant au classement mondial des meilleures huiles d’olive vierges extra (evooworldranking.org) et alors que La Tunisie est le premier pays exportateur d’huile d’olive au monde, elle se trouve classée 11éme, très loin de l’Italie qui a obtenu 2199 médailles, l’Espagne, la Turquie ou la Grèce avec respectivement 1376, 938 et 1095 médailles. A côté de l’aspect quantitatif, un grand effort reste à faire pour améliorer la qualité et la présence de l’huile d’olive nationale à l’échelle mondiale sachant que de telles distinctions traduisent l’excellence et la supériorité de l’huile et représentent un moyen important pour promouvoir les exportations, convaincre les consommateurs et conquérir de nouveaux marchés.
Pour l’année en cours, malgré la sécheresse et le manque de pluie, la production d’huile d’olive semble très prometteuse, probablement en raison de l’entrée en production de nouvelles plantations réalisées les années précédentes, le phénomène de saisonnalité de l’olivier (production importante une année sur deux) et les dernières pluies qui ont permis aux fruits de grossir. Une production record estimée à 340 000 tonnes dont 300 000 tonnes pourront être exportées.
Devant l’importance de la récolte, le ministère de l’agriculture a pris certaines mesures afin d’encourager l’exportation de notre huile d’olive et son déroulement dans les meilleures conditions. Parmi les recommandations, augmenter le pourcentage d’exportation de l’huile d’olive conditionnée, à forte valeur ajoutée, et conquérir de nouveaux marchés. Cette dernière action nécessite d’encourager la présence des professionnels tunisiens dans les manifestations internationales.
Le marché asiatique, peu exploité jusqu’ici, présente un potentiel important et les consommateurs de ces pays commencent à apprécier et demander l’huile d’olive particulièrement l’huile d’olive extra vierge (EVOO).Plus particulièrement au Japon, quoique la consommation soit encore faible (0,5 kg/habitant/an), le marché est très promoteur et peut entrainer dans son évolution l’Asie toute entière. Ce marché est néanmoins très particulier.
Petit aperçu historique
Le Japon a toujours émerveillé et fasciné. Il est connu par la qualité de ses produits industriels, ses mangas, ses sushis, son métro avec sa ponctualité légendaire, le savoir-vivre et la discipline de ses citoyens, ses geishas et ses samouraïs... Toutefois rares sont ceux qui savent que le Japon cultive de l’olivier, produit de l’huile d’olive et qu’il a même un institut de recherche oléicole, avec des laboratoires et des chercheurs. Les Japonais sont de véritables fans de cette huile fort appréciée et réputée excellente pour la santé.
Quoique les olives et l’huile d’olive soient connus depuis très longtemps au Japon, la culture de l’olivier est toutefois récente. C’est seulement depuis une centaine d’années que les autorités ont décidé d’encourager la production d’huile d’olive afin de réduire les importations d’Italie, nécessaires pour les conserveries de thon et sardines. Il faut reconnaitre que le défi était de taille du fait d’une part que le climat (avec ses pluies et neige abondantes et ses vents violents) ne convient pas beaucoup à l’olivier qui est essentiellement un arbre des pays méditerranéens et chauds et d’autre part, la rareté des terres arables agricoles. C’est grâce à l’Institut des Recherches Oléicoles de Shôdoshima (au sud du pays) que l’oléiculture s’est développée et que le Japon produit de nos jours une huile d’olive d’excellente qualité. L’Institut a formé des dégustateurs d’huile d’olive mondialement reconnus. Il fait également de grands efforts pour éduquer les consommateurs et les encourager à acheter des huiles d’olive de qualité.
Le Japon compte de nos jours une centaine d’exploitations oléicoles qui couvrent environ 500 ha. La production serait de 35 à 40 tonnes/an d’huile d’olive extra-vierge. La production est essentiellement artisanale, la cueillette est manuelle et les olives sont soigneusement triées et traitées rapidement pour la fabrication de l’huile. Cette production locale reste très faible, comparée à une consommation annuelle d’environ60 000 tonnes. L’huile est importée essentiellement d’Espagne (24 000 tonnes/an) et d’Italie (16 000 tonnes).
Pour rentabiliser leurs petites entreprises, les oléiculteurs Japonais essayent également de valoriser tous les produits de leurs oliviers. A côté de l’huile et des olives de table, nombreux sont ceux qui proposent du thé de feuilles d’olivier, des feuilles d’oliviers broyées, des confitures, des olives sucrées, des olives au chocolat… ainsi que des produits d’hygiène et cosmétiques à l’huile d’olive.
L’huile d’olive extra vierge bénéficie au Japon d’une excellente image en rapport avec le régime méditerranéen et la cuisine italienne et ses qualités thérapeutiques. Ce qui justifie son achat par les Japonais, malgré un prix très élevé. L’huile d’olive japonaise est un produit d’exception qui se vend particulièrement très cher. Un flacon de 250 ml d’huile extra vierge, qui représente d’ailleurs un excellent cadeau à offrir à toutes les occasions, peut se vendre jusqu’à 60 dollars (plus de 180 dinars tunisiens). L’huile importée d’Italie ou d’Espagne ou conditionnée localement se vend beaucoup moins cher, de 40 à 100 dinars le litre en fonction de la marque, de la qualité, du magasin...
Investir dans le conditionnement et l’emballage
S’agissant d’un produit utilisé occasionnellement, juste pour l’assaisonnement ou l’accompagnement de certains plats, les Japonais demandent généralement de petits flacons d’huile d’olive. Les Japonais sont un peu perfectionnistes et se soucient beaucoup des petits détails. Une attention particulière est attachée à la présentation du produit.
L’emballage doit:
• Protéger le produit. L’huile d’olive étant un produit sensible, il est essentiel pour préserver sa qualité, de le mettre à l’abri de la chaleur, de la lumière et de l’air. L’emballage métallique convient très bien. Toutefois on préfère les emballages en verre opaque plus pratiques
• Le flacon doit être bien conçu, agréable à tenir pour permettre une bonne prise en main, facile à ouvrir et à utiliser, avec si possible un bec verseur adapté, et un bouchon hermétique.
• Il doit captiver l’attention du consommateur et donner envie d’acheter dès le premier regard.
• Il représente une identité visuelle de l’entreprise et reflète son histoire et ses valeurs.
L’emballage doit mettre en valeur le produit et doit être d’une qualité impeccable. Beaucoup de petits fournisseurs étrangers (Grecs, Italiens et Espagnols) l’ont bien compris et accordent autant de soins à l’emballage qu’au contenu. A l’image des grandes marques de parfums, ils n’hésitent pas à faire appel à de grands designers pour concevoir de très belles bouteilles d’huile d’olive. Dans les magasins de luxe, le flacon d’huile peut être placé dans une boite, adapté aux dimensions du flacon, en carton ou autre, pour le protéger des chocs et des dommages durant le transport. On peut également proposer des coffrets cadeau ou dégustation, le tout livré dans un joli sac. Tous les éléments de ce packaging doivent être cohérents et harmonieux à tous les points de vue (choix des couleurs, graphisme et typologie, logo…). De plus en plus, le consommateur est sensibilisé aux problèmes de pollution et se soucie de la protection de l’environnent. Il est important de tenir compte de la durabilité du packaging en faisant attention à la réduction des déchets, l’utilisation de matériaux recyclés ou recyclables.
Par ailleurs, il est impératif de tenir compte de la législation locale en matière d’affichage et de porter les indications en Anglais avec si possible une traduction en Japonais pour être proche du consommateur. Ajouter un petit livret avec le mode d’emploi, de conservation et quelques recettes pourrait aider le consommateur à mieux apprécier le produit.
Tous ces détails ont de l’importance et peuvent influencer la perception du consommateur face au produit. Investir dans un emballage de qualité et bien conçu est important pour attirer, séduire et fidéliser une clientèle exigeante. Des matériaux de qualité, des finitions impeccables et des détails raffinés qui renvoient au consommateur des messages positifs du souci du détail et de la perfection. Il est certain que cette démarche a un prix, toutefois l’investissement vaut la peine et finalement c’est le consommateur qui paye.
La traçabilité est importante pour le consommateur et permet de le rassurer sur le mode et les différentes étapes de production du produit. Avec le développement des nouvelles technologies et la généralisation d’Internet, il est possible d’accéder à toutes ces informations en scannant, par le biais d’un smartphone, un code à barre ou un QR code opposé sur l’emballage. Le commerce en ligne devient partout très populaire et représente un moyen pour booster les ventes et satisfaire au mieux le client. Certaines firmes vous offrent même la possibilité de personnaliser votre produit.
Les perspectives
Nos exportations d’huile d’olive vers le Japon sont négligeables alors que le Japon représente un marché de 125 millions d’habitants qui importe près de 60 000 tonnes/an d’huile d’olive. Quoique la consommation actuelle moyenne individuelle soit faible, c’est toutefois un marché sans cesse croissant avec un grand potentiel, orienté essentiellement vers des produits de qualité. Il est vrai que les Italiens, les Espagnols et même les Grecs occupent des parts importantes de ce marché. L’huile Tunisienne présente cependant de nombreux atouts (huile naturelle, récolté à la main, d’excellente qualité et d’un gout agréable) et peut trouver une place de choix sur les étagères des épiceries fines, des restaurants de luxe et des consommateurs intransigeants.
Le consommateur Japonais est peu regardant sur le prix face à des produits de haute qualité et bénéfiques pour sa santé. Il est toutefois très exigeant. Pour lui chaque détail compte, de la qualité du produit, à l’emballage, aux campagnes de publicité et de marketing. L’huile biologique est tendance, l’absence de pesticides, de résidus et de polluants est primordiale. Les AOC (appellation d’origine contrôlée) sont avantagées. La participation aux concours internationaux et Japonais est importante pour conquérir ce marché un peu particulier. Obtenir des médailles lors de ces manifestations est, pour la marque un important argument de vente et pour le consommateur, une garantie de qualité et d’excellence.
La Tunisie entretient, depuis l’indépendance, d’excellentes relations avec le Japon (les Tunisiens sont parmi les rares nationalités exemptes de visa d’entrée au Japon), ceci est de nature à faciliter l’approche de ce marché important. Notre diaspora au Japon peut également constituer un moyen pour attirer le consommateur Nippon. Nombreux sont les couples mixtes dont l’un des partenaires est Tunisien. Cette diaspora (probablement un millier de personnes, sans compter les Tunisiens qui vont au Japon en touristes) peut être approchée pour vanter les mérites et faire connaitre les avantages de l’huile d’olive nationale. Avec le boom touristique, le nombre de touristes Japonais qui visitent notre pays, ne cesse d’augmenter. Ils représentent d’excellents messagers pour faire connaitre et encourager à la consommation de l’huile nationale. Enfin, la conquête du marché japonais peut représenter une porte d’entrée pour toute la région Asiatique.
Pour équilibrer sa balance commerciale, la Tunisie a misé sur l’exportation de l’huile d’olive. Plusieurs efforts ont été faits pour développer et intensifier la culture de l’olivier. Malgré les nombreuses difficultés, la production d’huile ne cesse d’augmenter. Il est temps de s’occuper davantage de la qualité, de s’intéresser plus au conditionnement et au packaging et de lancer des campagnes de markéting modernes et agressives afin de conquérir de nouveaux marchés et de bien valoriser notre richesse.
Notre huile d’olive vierge extra est un véritable trésor qui mérite les meilleures attentions pour trôner en reine dans les cuisines des plus grands chefs et des consommateurs les plus exigeants.
Ridha Bergaoui
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