News - 16.07.2025

Zohran Mamdani: Un maire musulman, socialiste et propalestinien a New York ?

Zohran Mamdani: Un maire musulman, socialiste et propalestinien a New York ?

Par Mohamed Larbi Bouguerra - New York est d’abord et avant tout une mosaïque culturelle. C’est en fait la photographie réduite de toute la diversité de la société américaine. C’est une ville traditionnellement de gauche c’est-à-dire affiliée au parti démocrate, intellectuelle qui abrite des Universités célèbres comme New York University (230 000 étudiants), Albert Einstein College of Medecine, Columbia University fondée en 1734 et où a enseigné le regretté et célèbre professeur palestinien Edward Saïd, membre du bureau de l’OLP de Yasser Arafat.

L’humiliante défaite de Kamala Harris à la présidentielle de novembre 2024 face à Donald Trump a sonné un parti démocrate à la dérive, incapable de se réinventer. Mais New York est l’Amérique dans toute sa diversité Elle symbolise l’électorat diplômé et libéral.  Le parti démocrate y a organisé des primaires pour élire son candidat à la mairie de la ville.

Le 24 juin 2025, sera-t-il l’annonciateur du retour en grâce du parti de Roosevelt, de Kennedy et de Carter et le retour d’électeurs qui se sont fourvoyés chez Trump et son populiste MAGA toujours à l’affût des ennemis de l’Amérique et toujours prêt à déclencher une guerre intérieure ?

La réponse ne viendra qu’en novembre prochain lorsque sera élu le maire de la Grosse Pomme.

Un homme au sourire éclatant

Pour l’heure, un certain Zohran Mamdani, simple député dans l’Assemblée de l’Etat de 33 ans , a fait mordre la poussière à un vieux cheval de retour de la politique, le cacique Andrew Cuomo, 68 ans, gouverneur de l’Etat de New York entre 2011 et 2021 et ancien secrétaire au Logement et au Développement urbain durant la présidence de Bill Clinton.

Zohran Mamdani vient de remporter la primaire démocrate en vue des élections municipales de novembre prochain créant la surprise et s’attirant cette réaction bien trumpiste du locataire de la Maison Blanche: «C’est un dingue à 100% communiste. Beaucoup de gens disent qu’il est ici illégalement, on va tout regarder.» (Le Monde, 11 juillet 2025, p. 5) Une personnalité nouvelle qui met fin à la pénible gérontocratie de Joe Biden et prouve la soif des démocrates pour le changement que Kamala Harris n’a pas su incarner.

Voilà les New Yorkais devant un homme jeune, parlant clair et au sourire éclatant.

Une figure nationale

Les paroles acides bien dans le style du millionnaire new yorkais ont fait du candidat démocrate une figure nationale. Elles viennent du fait que Zohran Mamdani est né en Ouganda et est d’origine indienne. Sa mère, indo-américaine est la réalisatrice Mira Naïr. De plus, Zohran est musulman, socialiste et propalestinien dans la ville qui compte une population juive plus importante que celle de Tel Aviv .(Télérama n° 3938, 2 juillet 2025, p. 3).

En somme, tout pour plaire à Donald Trump qui voit émerger dans sa propre ville une figure atypique ! Tout pour s’attirer la haine des racistes, des xénophobes et de la coalition réactionnaire. Gauche extrême hurlent-ils à l’unisson. Ce qui n’est pas le cas de Mamdani….mais c’est un classique : « médisez, médisez » disait Goebbels.

Socialiste, dans cette ville où l’expresso coûte 5 dollars (près de 15 dinars),  Zohran parle sans filtre, en homme de gauche des inégalités criantes ; il veut geler les loyers, défendre le pouvoir d’achat et faire baisser le prix du plein d’essence. Ce faisant, il a l’appui d’Alexandra Ocasio Cortez, député de New York à la Chambre des représentants à Washington et de Bernie Sanders, sénateur du Vermont et critique de la politique de Netanyahou. Sanders demande aux démocrates de se ranger derrière Zohran qui crée de «l’enthousiasme politique pour que la classe des travailleurs et les jeunes s’impliquent dans le processus politique.»

Des adversaires puissants

L’engagement socialiste du jeune élu, sa foi musulmane et sa défense passionnée de la cause palestinienne ne sont pas du goût de tout le monde au parti démocrate. Bien plus, la finance newyorkaise et ses élites vont se mobiliser contre Zohran dans la campagne électorale. Mais Zohran Mamdani, appuyé par Sanders et Ocasio-Cortez qui viennent de faire une tournée réussie dans le pays avec un slogan: «Combattre l’oligarchie», parle de façon simple, intelligente. Il réclame des bus gratuits. Il n’est pas sans charisme et a un contact facile avec les gens. Ses adversaires sont là, violents. Il l’accuse d’anticapitalisme et quand il parle des crimes de l’armée israélienne, on l’accuse d’antisémitisme. Rien que du classique !

Gaza et le vote des juifs new yorkais

Le vote en faveur de Zohran s’explique par le rejet de la politique aveuglément pro-israélienne de Joe Biden.

Mais comment se fait-il que 20% des juifs aient voté pour Mamdani dans cette mégapole qui en compte 1,4 million ?

Katie Glueck et Lisa Lerer avancent une explication sur l’évolution de la communauté new yorkaise et juive dans le New York Times (25 juin): «Actuellement, la position d’Israël aux États-Unis a chuté de manière précipitée depuis la guerre de Gaza….le succès du député Zohran Mamdani dans la ville avec la plus grande population juive au monde a offert la preuve la plus frappante que l’opposition franche à Israël et à son gouvernement — et même remettre en question son existence en tant qu’État juif—est de plus en plus acceptable pour des pans plus larges de la ville, même dans les zones où les Juifs pro-israéliens ont longtemps été une partie fondamentale de la coalition démocratique.»

En réalité, le succès du candidat à la mairie de New York se trouve dans le fait que, pour lui, Gaza ne relève ni de la politique ni de la religion mais que c’est avant tout une question de morale et d’humanité face à ces destructions apocalyptiques, à la famine organisée, aux hôpitaux réduits en cendre, aux déclarations insensées des Smotrich, Katz et Ben Gvir et aux boucheries dont sont victimes femmes et enfants.

La ville de la Tower Trump aura-t-elle pour maire un musulman, socialiste et propalestinien mais qui ne segmenta pas la société par couleur de peau, de sexe ou de niveau d’éducation ?

Réponse en novembre 2025. 

Mohamed Larbi Bouguerra