News - 11.08.2025

Fadhel Jaziri qui nous quitte : Un initiateur du nouveau théâtre tunisien, mais aussi des arts et du spectacle

Fadhel Jaziri

Voisin de quartier à El Omrane et ami d’enfance d’Abdelwaheb Meddeb, Fadhel Jaziri était en fusion avec lui. Une plénitude soufie, et une vision post-moderniste. Tous deux s’illustraient, au gré de leurs chemins, par une pensée profonde, toujours en dehors des voies cloutées. Meddeb à Paris, mais aussi au Caire et ailleurs, Jaziri à Tunis, puis à Londres, et ailleurs, ils avaient en partage une grande vision pour l’héritage culturel tunisien, et un ancrage dans les valeurs universelles. Guère remis du décès de Meddeb, son ami de toujours, en 2014, Fadhel Jaziri nous quitte ce lundi 11 août 2025, à l’âge de 77 ans, avec le sentiment d’avoir accompli son « devoir ». La veille, malgré le mal qui le rongeait, il avait tenu à suivre la représentation de sa dernière création « Mon cher violon », donnée au festival international d’Hammamet. Rassuré sur l’excellente interaction avec le public, son public, il rendra l’âme paisiblement.

Fadhel Jaziri est connu pour ses spectacles grandioses : Ennouba (en 1991) El Hadhra, (en 1992) et El Hadhra 2 (en 2010), puis El Mahfel (en 2023). Mais, c’est l’homme de théâtre qui, avec l’autre Fadhel, Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar, marquera surtout les esprits. Le comédien aussi, jouant dans de nombreux films réalisés par Rossellini, Abdellatif Ammar et autres grosses pointures. Son œuvre majeure, restera sans doute cet ambitieux centre culturel international qu’il s’est échiné à construire à Djerba, y mettant toute son énergie et ses ressources.

Sadikien, fils d’un libraire érudit, esprit libre, ne craignant pas d’affronter l’oppression, s’impliquant activement dans le mouvement étudiant revendicatif de février 1972, payant son lot de mise à l’arrêt et de torture, Fadhel Jaziri gardait la foi dans son engagement militant, et sa passion pour les arts. A Sadiki, féru de théâtre, il fréquentait assidument le club animé par Raouf El Basti. Emerveillé par le dessin, il ne ratait aucune séance de Zoubeir Turki et s’abreuvait de tous les arts.

Son esprit indépendant le poussera à quitter la Tunisie pour poursuivre ses études à Londres. De retour au pays natal, il ira dans les troupes théâtrales régionales, avant de monter sa propre troupe avec Fadhel Jaïbi, vivre pleinement leur passion. Les deux Fadhel feront merveille, inventant un nouveau théâtre d’avant-garde.

Au lendemain de 2011, sollicité par Béji Caïd Essebsi, Fadhel Jaziri lui apportera son soutien, dans la lutte contre l’obscurantisme. Il créera la marque Nidaa Tounès et la scénographie de ses meetings, sur un immense fond de scène rouge et au son de « Ya Béji », dans une allégorie à El Hadhra. Il fera mouche. 
Puis vient le temps des incertitudes, et des courtisans de la 25ème heure, il se retirera sur la pointe des pieds, se consacrant à son projet à Djerba. Un ultime défi, qu’il finira par relever, nous léguant un monument en quête d’une programmation digne de son illustre artisan.

Fadhel Jaziri était immense…

Allah Yerhamou