L’empire invisible dès 2027: l’IA et le retour du colonialisme sous une forme numérique?

Par Hafedh Abdelmelek
A- Introduction
Au fil des siècles, le colonialisme a changé de visage, de militaire et territorial, il s’est mué néocolonialisme de domination économique, et culturelle. Aujourd’hui, il s’impose sous une forme plus furtive et insidieuse: un néocolonialisme invisible, numérique et algorithmique, porté par l’intelligence artificielle (IA). L’IA, présentée globalement comme un outil de progrès, peut dissimuler d'une part des projets de captation des données qui échappent au raisonnement de la majorité des citoyens du monde, et d'autre part de standardisation des comportements et de prise de contrôle des imaginaires collectifs. Le concept de "macro tenseurs" est une hypothèse géopolitique désignant les grandes puissances qui amplifient les tensions mondiales et façonnent les algorithmes qui gouvernent nos interactions via des micro tenseurs (relais technologiques à une échelle micro). De ce fait, la dépendance numérique devient alors un instrument de domination, comparable à l’asservissement économique du passé colonial.
Les élites qui accumulent richesses et pouvoir risquent de fragiliser les systèmes sociaux, laissant la porte ouverte aux conséquences dramatiques des pandémies, guerres, effondrements climatiques ou économiques conformément au modèle des quatre murs (Abdelmelek, 2022). Les alertes conjuguées de Abdelmelek (2025) mettent en lumière l’urgence d’une transformation globale avant 2030. Il s’agit non seulement de repenser nos modèles économiques et politiques, mais aussi d’adapter notre rapport aux technologies, en mettant l’Humain et la justice sociale au cœur des innovations. Le risque d’un effondrement mondial, loin d’être une fatalité, peut être un signal d’alarme pour engager des réformes profondes, à la hauteur des défis actuels. Face à un « empire invisible » grandissant, la vigilance, la solidarité et l’éthique doivent guider nos choix collectifs. Les générations des années 1960 jusqu’à 1990 ont connu « l’effet calculatrice ». En effet, ces élèves ayant passé une partie de leurs études secondaires ainsi que leur baccalauréat sans calculatrice, ils rencontrent maintenant des difficultés à effectuer manuellement des calculs . Nous emploierons '« l'effet calculatrice » pour qualifier les impacts négatifs du recours exclusif d'une calculatrice sur l'apprentissage des mathématiques. En effet, la calculatrice peut améliorer le sens des nombres et réduire la charge cognitive mais elle peut aussi constituer un frein potentiel si elle est mal utilisée. En classe, l'effet de cet artefact informatique (objet créé par l'Homme pour assister son activité) est débattu, avec des arguments pour son apport à la compréhension conceptuelle et d'autres qui suggèrent qu'elle peut affaiblir les compétences fondamentales.
L’effet calculatrice comme l’IA ne sont ni totalement bénéfiques ni totalement nuisibles. Tout dépend de l’intention pédagogique, du moment d’introduction et du degré de maîtrise des fondamentaux. Bien utilisée, ils sont des leviers d’apprentissages puissants ; mal encadrées elles peuvent freiner la construction des compétences essentielles.
B- Evolution des concepts des différentes formes du colonialisme
1. Le colonialisme territorial (XVe – XXe siècles)
• Colonisation espagnole et portugaise des Amériques (à partir de 1492).
• Colonisation française, britannique et néerlandaise en Afrique et en Asie. Caractéristiques : Contrôle direct des territoires, exploitation des ressources locales, destruction ou transformation des cultures autochtones et de leurs structures sociales.
2. Le colonialisme économique (XIXe – XXe siècles)
• Compagnies coloniales britanniques en Inde.
• "Franc CFA" et maintien d’une dépendance économique en Afrique post-coloniale. Caractéristiques : Dépendance commerciale, pillage des matières premières, subordination économique des pays colonisés.
3. Le colonialisme culturel et cognitif (XXe siècle)
• Imposition des langues coloniales (français, anglais, espagnol,…etc.).
• Diffusion mondiale du mode de vie occidental par le cinéma, la musique, la mode. Caractéristiques : Acculturation, effacement des traditions locales, domination symbolique par les récits et les valeurs.
4. Le néocolonialisme (XXe – XXIe siècles)
Dépendance des pays du Sud aux institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) et aux modèles socioéconomiques, éducatifs, législatifs et administratifs occidentaux.
Caractéristiques: Perte de contrôle stratégique, Souveraineté limitée, dépendance économique et politique.
5. Le colonialisme numérique et algorithmique (XXIe siècle)
• GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et BATX (géants chinois).
• Collecte massive de données dans les pays du Sud sans régulation locale. Caractéristiques : Dépendance technologique, exploitation des données comme “matières premières”, homogénéisation culturelle par les algorithmes.
• Une cryptomonnaie ou jeton numérique, est une monnaie électronique (actif numérique) émise de pair à pair, sans nécessiter de banque ou de banque centrale ni d'intermédiaire humain.
C- L’empire invisible dès 2027
1. Un colonialisme des données
Les empires d’hier exploitaient les ressources naturelles ; ceux d’aujourd’hui exploitent les ressources immatérielles : nos données. Chaque clic, chaque requête, chaque photo devient une matière première extraite, raffinée et réutilisée par quelques géants de la technologie. Les pays du sud, souvent consommateurs passifs de ces technologies, se retrouvent dans une situation de dépendance cognitive, sans réelle souveraineté sur leurs infrastructures numériques.
2. Une colonisation des imaginaires
Au-delà des données, l’IA façonne nos récits collectifs. Les plateformes et les moteurs de recommandation imposent des normes culturelles, des représentations et des priorités venues d’ailleurs, effaçant peu à peu les savoirs et les langues locales. Ce colonialisme cognitif ne se voit pas, ne se conteste pas facilement, car il s’infiltre dans nos habitudes quotidiennes, dans nos loisirs, dans nos apprentissages.
3. Vers une résistance numérique
Face à cet empire invisible, l’enjeu n’est pas seulement technologique, il est civilisationnel. Les nations doivent développer leurs propres intelligences artificielles contextualisées à leurs besoins, préserver leurs langues dans l’univers numérique, et établir des chartes éthiques qui limitent la mainmise des grandes puissances technologiques. Il s’agit de reprendre le contrôle de nos données, de nos récits et de nos futurs possibles.
L’IA n’est pas neutre. Comme tout outil de pouvoir, elle peut émanciper ou asservir. L’empire invisible qu’elle érige aujourd’hui n’est pas une fatalité, mais un appel urgent à penser un numérique souverain, éthique et réellement Humain.
D- l’IA et le nouveau colonialisme
Le colonialisme n’a pas disparu. Il a simplement évolué et changé de visage et d’outils. Après les canons et les banques, voici venu le temps des algorithmes. L’IA, que l’on nous présente comme le grand moteur du progrès, devient aussi le vecteur d’un nouveau colonialisme, plus discret mais tout aussi, voire plus puissant, visant à contrôler directement les données de nos territoires et nos esprits .
1. Des données comme butin
Hier, on pillait l’or et le coton. Aujourd’hui, on pille les données. Chaque recherche, chaque photo part nourrir des systèmes d’IA détenus par des macro tenseurs et de géants technologiques, presque tous basés dans le nord. Le sud global consomme les technologies, mais ne produit ni les algorithmes ni les infrastructures qui les font tourner. C’est un colonialisme numérique qui se cache sous les apparences du progrès.
2. Des esprits sous influence
Le plus inquiétant de l’empire invisible n’est pas l’économie mais le colonialisme des esprits. Les algorithmes de recommandation imposent des récits, des normes, des visions du monde. Nos imaginaires se standardisent sous l’effet d’IA qui privilégient certaines cultures et en marginalisent d’autres. Ce n’est plus seulement nos ressources qui sont exploitées, mais nos façons de penser (قولبة الفكر), d’apprendre, de rêver.
3. Briser la dépendance
La résistance à ce nouvel empire ne sera pas armée. Elle sera technologique, culturelle et politique. Cela signifie créer nos propres IA, former des experts locaux, protéger nos langues et nos cultures et développer notre esprit critique dans l’univers numérique. Il est temps de poser la question que personne n’ose formuler : à qui appartiendra l’intelligence de demain ?
L’empire invisible est un système unique unifié par le commerce, la finance et les technologies. Il avertit que les élites accumulant richesse et pouvoir fragilisent la société, rendant celle-ci susceptible de s’effondrer sous l’effet de crises telles que les pandémies, les guerres et/ou les crises climatiques. Pour éviter ce destin, notre théorie plaide en faveur d’un référentiel absolu du territoire, soutenu par des populations et des outils numériques. Notre modèle de l’ordre mondiale en pièces et la théorie du para choc met en lumière l’émergence d’un « empire invisible », une forme de domination subtile exercée par des acteurs technologiques et économiques mondiaux. Selon les articles de Abdelmelek (2022, 2025), ce nouvel ordre mondial repose sur une forme de colonialisme numérique, où l’intelligence artificielle devient un outil de contrôle et d’exploitation des ressources humaines et naturelles. Le manuscrit souligne que cette domination technologique peut exacerber les inégalités existantes, en concentrant le pouvoir entre les mains de quelques entités contrôlant les données et les technologies avancées. Il appelle à une régulation éthique de l’IA et à une gouvernance inclusive pour prévenir ce nouveau type de colonialisme.
E- Conclusion
La présente analyse alerte sur les dangers d’un système mondial inégalitaire et technocratique, qui se concentre sur les risques d’effondrement sociétal liés aux inégalités, et met en garde contre un « empire invisible » utilisant l’IA comme instrument de domination dès 2027. Dans un contexte global marqué par des crises écologiques, sociales et économiques, la menace d’un effondrement mondial suscite de plus en plus d’inquiétudes. Une étude récente explorant plus de 5 000 ans d’histoire humaine tire la sonnette d’alarme : notre civilisation pourrait bien être à la veille d’une chute majeure, si rien n’est fait pour corriger les inégalités croissantes par la localisation des connaissances (توطين المعرفة)). La concentration extrême du pouvoir économique et politique, conjuguée à une interconnexion mondiale sans précédent, crée un Burn-out émotionnel global conformément à l’émointelligence équation de Abdelmelek (2019) et fragilise les sociétés ce qui les rendent vulnérables face aux crises majeures.
Hafedh Abdelmelek
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