Dr Béchir Gueddana: Cinquante ans de militantisme

Par Dr Zied Bellamine - onvaincu de la vie associative, il avait, une fois installé dans le secteur libéral après des études à Paris, commencé, dans le cadre de l’Association générale des médecins de Tunisie (Agmt), par s’investir dans la formation médicale continue en lançant avec succès les journées Naceur Haddad.
La crise des ordonnances numérotées de la fin des années 70 l’a amené à la nécessité de créer un syndicat indépendant pour défendre les intérêts matériels de la médecine libérale.
Ce n’était pas une entreprise facile avec un pouvoir qui n’acceptait pas de voix discordantes, un syndicat des médecins a d’ailleurs été dissous après l’indépendance pour divergence de vues.
La défense des intérêts matériels des médecins a alors été confiée exclusivement au Conseil national des médecins.
Grâce à son charisme et à son courage, il a réussi à réunir un bureau fondateur et, en se référant au Code du travail, à créer le Syndicat tunisien des médecins de libre pratique.
Ceci a ouvert la porte à la création d’autres syndicats (pharmaciens, dentistes, biologistes…).
En tant que secrétaire général et meneur d’hommes, il entreprend la mise en place des structures régionales en parcourant tout le pays, et le premier congrès a lieu en 1981 à Gammarth malgré les réticences du pouvoir qui sont allées jusqu’aux menaces d’intervention sécuritaire. Élu pour deux mandats avec à chaque fois l’unanimité des congressistes, il a mené avec fermeté et conviction des batailles pour défendre les intérêts de la médecine en général et ceux de la médecine libérale en particulier.
Parmi les actions les plus importantes, on peut citer le rejet de la loi des finances de 1984 qui voulait utiliser les bulletins de soins pour le contrôle fiscal et le boycott de la couverture sociale par la Cnss qui n’instaurait pas d’indexation de la retraite au Smig ; ce rejet a été maintenu jusqu’à obtention de gain de cause en 1989.Dépassant le cadre de la médecine libérale, il a réussi à convaincre et à réunir tous les représentants de la profession (ordres et syndicats) dans le cadre du collectif des professions médicales dont il a été le coordinateur pour la réflexion concernant la réforme du système de santé, avec notamment la nécessité d’une couverture santé universelle qui a permis la création de la Caisse nationale d’assurance maladie en 2006.
Après deux mandats, il a passé le flambeau et les congressistes du 3e congrès l’ont désigné président d’honneur du syndicat.
Il est resté très proche et assistait à presque toutes les réunions des commissions administratives où ses analyses étaient attendues et prises en compte dans les décisions. Il était toujours disponible pour prodiguer ses conseils et prêter main-forte aux premiers responsables syndicaux à travers ses conseils ou ses relations.Comment parler de feu Bechir Gueddana, que j’ai côtoyé plus de quarante ans, sans évoquer sa bonhommie, son approche très agréable, son engagement sincère et sans calcul et surtout son côté bon vivant et fin gourmet. Il suffisait de l’écouter parler de ses recettes pour avoir l’eau à la bouche. Quand il faisait ses courses au marché central, il était à filmer.
La famille médicale et en particulier libérale a perdu un de ses piliers mais sa droiture et son engagement serviront d’exemples aux générations futures.
Dr Zied Bellamine