L'enfer de la prison de Nadhour et les cas de conscience

Savez-vous ce que demande une grande partie des 400 détenus embastillés pour de longues peines à la terrible prison de Nadhour, près de Bizerte ? Leur libération immédiate ? Certains n’y pensent plus. Mais juste la conversion des peines de prison à perpétuité en une détention de 20 ans ! Et, si possible, la grâce en faveur de ceux qui auront accompli la moitié de leurs peine ! C’est dire le poids du boulet qu’ils tirent et qu’il leur reste à tirer encore longtemps. La visite de la prison, organisée dimanche, par le ministre de la Justice, Noureddine Behiri, pour la presse, d’anciens détenus et leurs familles et des représentants de la société civile, était une véritable descente aux enfers de la détresse humaine. Pour nombre d'entre eux, une découverte fort émouvante, des affres du milieux carcéral. La décision est, aujourd’hui, prise : la prison sera évacuée de ses détenus (qui répartis sur d’autres maisons d’arrêt) pour être transformée en musée.
Devant la prison de Nadhour, ce dimanche matin, l’ambiance était à la fête du souvenir et des retrouvailles. De vieux militants, Am Ali Ben Salem, Mohamed Salah Baratli, Kaddour Ben Yachret et d’autres compagnons de résistance contre l’occupation française, puis impliqués dans les procès du Youssefisme et du complot contre Bourguiba (1962), se retrouvaient avec « les jeunes » de perspectives et successives générations militantes, jusqu’aux islamistes, derniers prisonniers d’opinion libérés fin 2010. Aziz Krichen, qui y était détenu dès 1966, avec la toute première fournée d’étudiants perspectivistes, et aujourd’hui ministre-conseiller auprès du président de la République, en garde un souvenir intact. Il se rappelle de chaque porte, de chaque serrure. Radhia Nasraoui voulait voir la cellule où était detenu son époux Hamma Hammami. Sahbi Atig, président du groupe parlementaire d’Ennhadha, y a purgé près de 3 ans de ses 17 ans de détention. Ajmi Lourimi, y avait fait longue escale, dans son tour des prisons de Tunisie. Et bien d’autres.
Raoudha Laabidi, présidente du Syndicat National des Magistrats ne pouvait cacher sa stupéfaction de ce qu’elle découvrait comme conditions carcérales. Kalthoum Kennou, présidente de l’Association des Magistrats Tunisiens n’en était pas moins émue. Accompagné par les hauts dirigeants de l’Administration des Services pénitentiaires, le ministre Behiri, a tenu à faire visiter à ses invités tous les coins et recoins de la prison, jusqu’aux grottes creusées dans la montagne et suintantes d’humidité où des détenus irrévérencieux étaient enchaînés dans l’obscurité totale et ce, jusqu’aux années 90.
avant terme, et cherchant à bénéficier de remises de peines pour bonne conduite, ils se résignaient à leur sort. « A la différence de nombreuses autres prisons, notamment la toute proche, celle de Borj Erroumi, Nadhour n’a connu aucun incident au lendemain du 14 janvier, nous explique un officier. Il y a eu juste de grandes interrogations auxquelles nous avons essayé d’apporter les explications en notre possession et surtout d’appeler à l’apaisement. Ici, l’ordre est bien établi : chacun y tient, conscient qu’il en est de son intérêt, surtout que le séjour risque d’être long ». Y a-t-il maltraitance, voire torture ? « Pas ici, répond-il catégoriquement. La moindre geste violence de la part d’un agent à l’endroit d’un détenu, risque de dégénérer en mouvement collectif, ce que tous craingnons. Bien au contraire, nous essayons de faire preuve de compréhension et de compassion, mais tout en faisant respecter l’ordre ».
Sahbi Attigi était très sollicité. « T’es encore-là ! » lance-t-il à un ancien camarade de chambrée. « Hé oui, répond avec un grand sourire son interlocuteur. D’ailleurs, je ne suis pas le seul, il y a aussi, X, notre coiffeur, et plein de copains. Tu te rappelles de ton lit qui est-là ? On se le dispute tous pour qu’il nous porte chance et nous sorte de là ». Sahbi Attig, très ému, se rendra dans différents pavillons qu’il avait fréquentés, entrainant avec lui Lotfi Zitoun, ministre-conseiller auprès du Chef du Gouvernement. Aux détenus, il recommandera patience et bonne conduite, promettant que la fin de leurs souffrances ne saurait tarder. « Le ministre de la Justice, leur annoncera-t-il, travaille actuellement sur projet de loi d’amnistie, devant fixer des critères aussi clairs qu’équitables et vous allez pouvoir en bénéficier autant que possible ». Il ajoutera surtout que : « cette fois-ci, ni népotisme, ni corruption. L’équité vaudra pour tous ! »
S’il n’avait pas enduré les affres de Nadhour, Lotfi Zitoun, était un bon client récidiviste du 9 Avril. Mais, ici, ses prestations télévisuelles gouailleuses ont fait sa réputation. Lui aussi est interpellé par nombre de détenus. Certains se rappellent bien de Hamadi Jebali, qui avait partagé avec eux leurs chambrées, mais aussi Sadok Chourou, et d’autres dirigeants d’Ennahdha.
- Ecrire un commentaire
- Commenter

LA PRISON EST LE PLUS GRAND DEFI POUR LA TUNISIE ET POUR LE MONDE ENTIER Les hommes sont nés libres et égaux .L'environnement et l'éducation les forgent et ils deviennent dictateurs, voleurs et même ingénieurs ou criminels. Cette maladie à découvrir et à résoudre est un challenge pour tous. Il y a un fait indiscutable dans ce monde l'échec de l'éducation et de la culture où on fabrique des inadaptés ou des victimes depuis des siècles et des siècles .Ne faut il pas investir dans la qualité de notre éducation pour anéantir à jamais cet indicateur de prisonniers et de prisons et le réduire a zéro?? Combien ça coûte cette non-qualité directement et indirectement ??

La lecture de cet l'article et surtout l'histoire de Mr F, me rappelle celui d'une certaine Ah. qui depuis le mois de mai 2008 est incarcérée à la prison de la Manouba pour le meurtre de son époux qu'elle n'a jamais commise; un crime probablement fomenté par les services de ZABA pour faire un "deux en un": éliminer l'epoux qui était un "peu pieux" et se débarrasser de l'épouse qui est devenue encombrante étant donnée qu'elle faisait partie d'un corps (officiel) et qu'elle a dévulgué dans son entourage des atrocités commises dans les sous sols du ministère de l'intérieur auquelles elle a pu assister. le conflit dans le couple a été instrumenté. Il est peut être urgent de se pencher sur ces dossiers qui ne sont malheureusment pas si rares qu'on le pensait.