Anissa Meddeb à New York : Une jeune fashion designer tunisienne de talent
Anissa Meddeb est une jeune fashion designer tunisienne de talent, basée à New York et diplômée de la prestigieuse Parsons School.
Son métier, c’est sa passion, une vocation, un sacerdoce! Elle peut vous en parler des heures durant sans que vous vous en lassiez. Elle peut dessiner, concevoir, créer, sans voir le temps passer. Elle découpe patrons et tissus, assemble, ajuste, coud, découd et recoud sans lever le nez de son ouvrage ou de son lap top.
Quand elle a une idée, sachez qu’elle ira jusqu’au bout. Des premières esquisses, sortira le vêtement fini tel qu’elle l’a imaginé et souhaité, dût-elle pour cela sillonner tout le district de la mode à la recherche du tissu ad hoc, de la couleur de fil adéquate ou de l’accessoire de mercerie ciblé. Dans le quartier, tous la connaissent bien, des tailleurs aux brodeuses jusqu’aux imprimeurs de tissus car elle a eu l’occasion de travailler avec chacun d’entre eux.
Sa vie professionnelle à New York City
Actuellement, Anissa apporte sa contribution à l’équipe Three As Four qui vient d’être récompensée, par le Cooper Hewitt Museum, du National Design Award 2015. Elle travaille, évolue et s’épanouit aux côtés d’Adi Gil, d’Angela Donhausser et de Gabi Asfour qui a été l’un de ses mentors à la Parsons School où il enseigne la 2D, c’est-à-dire la conception du vêtement. L’équipe présentera au Metropolitan Museum, le mois de mai prochain, une robe entièrement créée sur imprimante3D. Anissa raconte avec enthousiasme comment, à l’occasion de la préparation de cette exposition, elle a découvert les incroyables coulisses du Met avec la conservatrice du musée.
Three As Four, figure incontournable du milieu artistique new yorkais, est connue sur la place comme une équipe de fashion designers très créative et avant-gardiste. L’équipe a des clientes fidèles parmi les actrices et chanteuses célèbres telle la chanteuse islandaise Björg pour laquelle elle créé toutes les robes de gala. Pour satisfaire cette clientèle exigeante, Anissa travaille inlassablement, sculpte et resculpte robes, vestes et manteaux jusqu’arriver au «tombé» parfait. En vue de la préparation des défilés des fashion week, elle prend minutieusement les mesures des mannequins et prépare les essayages. D’une manière certaine, l’on peut affirmer qu’elle réalise enfin son rêve d’enfant, de l’enfant qui dessinait déjà, à l’âge de huit ans, ses toutes premières collections !
Ses inclinations, affinités et références
Avant d’être dans cette maison de haute-couture bohème-chic, Anissa a multiplié les stages chez des enseignes de renom dont elle appréciait particulièrement le style et qui ont été des creusets de formation dans lesquels elle se retrouvait : APC à Paris du créateur Jean Touitou, comme elle originaire de Tunisie, Marc Jacobs, à New York, ancien élève de la Parsons School ou encore Ethologie à Londres, dont le patron est sorti de la célèbre Central Saint Martin’s School dont elle a été élève pendant six mois dans le cadre d’un échange universitaire, en troisième année de son cursus. Chez APC, elle a été associée au travail du développement-produit des articles de maille, avant de rejoindre l’atelier de coupe et couture. Chez Marc Jacobs Accessories, elle va développer un intérêt certain pour les accessoires de mode : sacs, chaussures, chapeaux… Chez Ethologie, elle apprend la patience infinie en brodant perles et sequins! Nombreux des grands designers de mode contemporains qu’elle apprécie et prend comme références ont été élèves soit de la Parsons School soit de la Central saint Martin’s: Proenza Schouler, Alexander Wang, Jason Wu, Alexander Mc Quenn, etc.
Un parcours atypique mais choisi
L’assurance dans ses choix, Anissa l’a acquise de manière précoce. Est-ce le fait d’avoir vécu sous différents cieux et d’avoir eu à faire face, très jeune, à ces changements et à ces multiples adaptations, qui lui a donné cette détermination dans le choix de son cursus, de son métier, de son lieu de vie mais également dans ses choix artistiques en matière de mode et de design en général ?
Les pays dans lesquels elle a évolué- la Tunisie de son enfance, son pays d’origine et de racine, la France, son pays de naissance et d’adolescence et les Etats Unis, le pays choisi pour s’y former et vivre, entre Tampa Florida et New York City- ont tous trois marqué sa perception des êtres et des choses. Cette mobilité géographique et culturelle l’a amenée à être constamment attentive aux multiples expressions des différents modes de vie et de faire. Elle lui a fait prendre conscience des similitudes et des différences dans le langage du corps et les façons de se vêtir. Le corps, elle a appris à l’appréhender et le représenter, dès le lycée, dans les ateliers de modèles vivants et de nus des cours des «Beaux-arts et du dessin» du Carrousel du Louvres, cycle de trois ans d’études artistiques qu’elle a suivi parallèlement à ses études académiques. Cette connaissance du corps et de diverses cultures du vêtement contribuent, en permanence, à inspirer les silhouettes et les coupes des vêtements qu’elle conçoit.
It’s in the air!
Son inspiration pour sa collection de thèse à la Parsons, présentée brillamment en mai 2015, Anissa l’a puisée encore une fois dans ses voyages, ou pour être plus précis dans l’action d’être en vol. « It’s in the air!», voilà le titre qu’elle donne, non sans une pointe d’humour, à son travail en vue de l’obtention de son Bachelor of Fine art de mode, spécialité Women’s wear. Sa thèse c’est un moment fort où elle a l’occasion d’exprimer sa vision personnelle autour d’un fil conducteur se déroulant des tout premiers croquis à la production d’une collection entière de six looks. Elle dit que ce sera probablement la seule fois de sa carrière où elle pouvait donner libre cours à son imagination et concevoir en dehors de toute contrainte de marché, de consommation ou de coût. Depuis toujours, le voyage a contribué à forger l’identité de la jeune fashion designer. Observateur privilégié d’un monde qui se globalise, elle a très vite pris conscience de la croissance fulgurante de l’industrie aérienne et de la démocratisation du voyage. Elle s’est alors posé la question : pourquoi voyageons-nous et que portons-nous comme vêtements quand Ú
Únous voyageons ? Après avoir interrogé de multiples personnes autour d’elle : globe-trotters, hommes et femmes d’affaires mais aussi voyageurs occasionnels, elle s’est aperçue que bien des gens craignent l’avion. De là, est née l’idée d’une collection de vêtements pour le voyage : une bulle de confort, d’aisance et de protection pour le voyageur moderne.
Dans sa collection elle a développé des techniques de feutrage et de broderie au poinçon pour manipuler ses tissus et restituer des paysages vus du ciel. Elle a notamment introduit au niveau de ses broderies et impressions de tissus une touche d’abstraction puisant son inspiration dans les cartes d’itinéraires aériens. Ses tissus sont exclusivement naturels : laine, cachemire, coton avec à l’occasion des insertions de lin ou de soie. La palette de couleurs s’inspire des paysages observés du hublot d’un avion : célestes avec des déclinaisons de bleu et de gris, terrestres avec des couleurs terres d’argile ou de Sienne. Quelques touches de couleur orange vif viennent exacerber la palette comme le feraient le lever ou le coucher du soleil. Son design joue sur les formes et les fonctionnalités de ses vêtements, les transformant comme par magie pour leur donner de multiples vies. La veste se transforme en oreiller pour le bonheur du voyageur et la jupe se double d’une couverture si utile pour des voyages longs et fatigants. La prochaine étape du voyage d’Anissa pourrait bien être Tunis, où elle nous prépare une surprise pour ce printemps avec une collection spécialement conçue en collaboration avec une grande galerie tunisienne, jusque-là ouverte aux seuls fashion designers régionaux ou internationaux. Entrepreneur dans l’âme, Anissa Meddeb sait ce qu’elle veut: monter son entreprise et lancer sa propre marque pour créer, créer et créer encore. Elle s’y prépare activement.
Najeh Kharrez
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