Le patron de Huawaï Ren Zhengfeï à Leaders: «les sanctions américaines, des motivations politiques qui ne sauraient freiner notre croissance»
Quand on demande à Ren Zhengfei si la sanction américaine contre Huawei est fondée sur des calculs politiques ou le souci sécuritaire, sa réponse est claire:
«Les calculs politiques bien sûr. Huawei n’a commis aucune faute, cette sanction américaine ne pouvant qu’être politique ». Et d’ajouter : «Les sanctions américaines à l’encontre de Huawei ont peu à voir avec les négociations commerciales sino-américaines. A l’heure actuelle, nous ne ressentons aucune amélioration de l’environnement, et cela n’affectera pas le rythme de nos innovations. Il y a des répercussions sur le marché étranger. Certains clients sont hésitants et nous attendons qu’ils comprennent la situation.»
Huawei respecte-t-elle la souveraineté numérique des pays où elle opère et s’engage-t-elle à signer des accords de confidentialité ? Ren Zhengfei est catégorique. «Lorsqu’un État considère la richesse physique comme une richesse, la frontière géographique du pays devient très importante. La richesse de la technologie numérique est en réalité mondiale. Nous devons respecter la souveraineté numérique des Émirats arabes unis, qui garantit la sécurité informatique des pays émiriens. Maintenant, Huawei propose de signer un accord de non «porte dérobée» avec tous les pays du monde. Nous pouvons également le faire avec les Émirats arabes unis.»
La notion de « porte dérobée » mérite éclaircissement?
La ‘’porte dérobé’’, explique Ren Zhengfei, est un concept proposé par les États-Unis. C’est une porte à travers laquelle on peut vous prendre des données sur Internet.
Signer l’accord de non «porte dérobée» signifie alors que Huawei ne récupère pas les données d’autrui sur Internet?
Ren Zhengfei est affirmatif : «Oui!»
Comment bénéficier utilement de l’intelligence artificielle
«L’intelligence artificielle créera plus de richesse pour la société, mais il sera peut-être difficile pour certaines personnes qui ne peuvent pas s’adapter à cette nouvelle société de trouver un emploi. Dans la société industrielle traditionnelle, ceux qui ont obtenu un diplôme de lycée ou de formation professionnelle intermédiaire peuvent normalement trouver un emploi. Mais dans la prochaine ère, celle où l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies informatiques orienteront le développement de la production, il pourrait être difficile de trouver un travail sans compétences professionnelles d’un niveau plus élevé. Malgré les difficultés de recherche d’emploi, la richesse totale de la société s’accroît. Comment le pays utilise-t-il cette richesse ? Avec de l’argent, certains problèmes pourraient être facilement résolus.Cette richesse pourrait être redistribuée ou investie dans la formation.
Deuxièmement, dans le processus d’application à grande échelle de l’intelligence artificielle, de nombreuses personnes peuvent être converties en industries basées sur l’expérience. On ne peut pas boire du café avec un robot ! J’ai regardé le film américain Star Trek, et j’étais plongé dans la dépression quand je sortais du cinéma, car il n’y a personne à bord du vaisseau spatial, que des robots qui fournissent des services. Je ressens la solitude et la peur de notre époque. Bien que les exigences des êtres humains soient satisfaites, nous aurons toujours besoin d’une bonne ambiance et d’une bonne expérience. C’est pour cela que davantage de personnes se convertiront en industries basées sur l’expérience.
L’emploi est un problème sociologique. Puisque je ne suis ni sociologue ni fonctionnaire, je ne peux pas y répondre. Je peux uniquement répondre que l’intelligence artificielle pourra améliorer la productivité. Si cette technologie est appliquée dans l’agriculture, le tracteur peut cultiver la terre 24 heures sur 24. Il n’a peur ni du froid, ni de la chaleur, ni des moustiques. Si le tracteur peut travailler sur le Nil, retirant les cailloux, plus de terres deviendraient fertiles, plus d’eau du Nil pourrait irriguer les cultures. Même si la vie des humains deviendra un peu vide car ils ne travaillent plus, la richesse matérielle augmentera.»
Avez-vous imaginé que Huawei pouvait atteindre sa taille actuelle ?
«Nous avons créé cette entreprise quand nous avions faim. Malgré cela, nous ne l’avons pas fait pour de l’argent, mais pour réaliser notre vision, qui change au fur et à mesure que notre environnement change. Est-ce que nous avons imaginé que nous pouvions atteindre la taille actuelle de l’entreprise ? Nous n’y avons pas pensé, donc nous sommes là naturellement.»
Où en est Huawei de la 6 G ?
«En fait, nous travaillons sur la 5G et la 6G simultanément. La 6G a une bande passante plus large, mais la couverture n’est pas satisfaisante, car il s’agit d’une onde millimétrique qui a une distance de couverture relativement courte. Il faut des avancées théoriques et des percées technologiques pour que la 6G soit mise en place. Nous estimons que cela prendra dix ans.»
Une croissance totale de 24,4% à fin septembre 2019, malgré les sanctions américaines
Les indicateurs de performances viennent réconforter le fondateur de Huawei dans sa vision. Une croissance significative à deux chiffres, avoisinant les 25% est d’ores et déjà acquise à fin septembre dernier. Quel est alors l’impact des sanctions américaines contre Huawei?
Nous ne sommes pas dépendants des États-Unis pour les composants de la station de base 5G, le réseau de transmission et le réseau cœur, et nous ne serons pas affectés par les sanctions américaines. Il n’y a donc aucun problème pour garantir l’approvisionnement des équipements de 5G aux EAU. En même temps, nous continuons à progresser et à innover. En ce qui concerne l’accord, nous sommes prêts à le signer à tout moment.
Avant les sanctions américaines contre Huawei du 16 mai, notre forte croissance n’a pas été affectée. Après cette date, nous avons subi un certain niveau de répercussions, et nous devons modifier certaines versions de nos produits.Comme il faut certifier la fabrication et le test de qualité du réseau, nous sommes affectés dans ce sens, mais nous avons déjà accompli cette transformation. Nous estimions un recul de la vente des produits dans la liste américaine vers la fin de cette année, mais maintenant, nous prévoyons même une légère croissance.
La croissance totale de 24,4% au cours des trois premiers trimestres de 2019 a été possible grâce au travail ardu de tous les employés. Certains produits n’ont pas été touchés, car nos employés travaillent dur sous la pression américaine, et ils ont pu maintenir la tendance de croissance. Nous sommes confiants que les ventes augmenteront encore à la fin de cette année, et que le volume total de l’année prochaine sera au même niveau que celui de cette année. Toutes les ventes de l’année prochaine seront réalisées sous les sanctions américaines, et vous aurez la même confiance que nous sur la survie de Huawei à cette échéance. En 2021 ou 2022, une fois que toutes les versions seront stabilisées, nous pourrions continuer notre croissance de taille. »
Comment attirer les talents immigrés afin de bâtir le plus grand centre d’innovation technologique du monde?
«Les Emirats arabes unis sont devenus un haut lieu d’affaires du monde, un pays de migration. Si on a réussi à créer un centre commercial de top niveau mondial au cœur du désert, pourquoi ne pas y créer également un centre d’innovation technologique de la planète ? Je crois que les Emirats arabes unis pourraient s’inspirer des expériences des Américains qui, en l’espace de deux siècles, ont su attirer un nombre faramineux de talents issus de l’immigration et qui ont transformé ce pays qui était tout fragile en une superpuissance du monde. Les Emirats arabes unis bénéficient déjà d’une position de centre commercial du monde, est-ce qu’il est possible de le convertir en un centre d’innovation technologique ? Votre Projet 2071 montre que c’est tout à fait possible. Beaucoup d’immigrés de l’Europe de l’Est ont réussi aux USA. La prospérité de la superpuissance du monde dépend beaucoup de la contribution des immigrés. Avec un environnement d’affaires tellement attirant des Emirats arabes unis, pourquoi ne pas attirer les talents immigrés afin de bâtir le plus grand centre d’innovation technologique du monde ?»
Education, formation : comment inculquer aussi de nobles valeurs?
«Il faut vulgariser l’enseignement primaire, développer l’enseignement professionnel et technique à grande échelle, et donner accès à l’enseignement d’élite aux meilleurs étudiants. Nous pouvons nous inspirer de l’enseignement d’élite aux États-Unis. Seules quelques universités américaines pratiquent ce modèle d’éducation. L’éducation d’élite ne consiste pas uniquement à choisir les étudiants qui ont des notes parfaites au bac, mais aussi à proposer une formation des moralités aux enfants.
Parmi les dix critères, il y a deux qui sont très importants : avez-vous pris soin des personnes âgées? Avez-vous pris soin des enfants dans les orphelinats? Sinon, votre score sera considérablement baissé. Qu’est-ce que l’éducation d’élite? C’est pour former des leaders. Quelle est la responsabilité du leader ? C’est d’aimer la société, même ceux qui sont incapables de s’occuper d’eux-mêmes. Les universités célèbres ne devraient pas former des égoïstes qui ne s’intéressent qu’au confort de leur vie. Ceux qui sortent des écoles d’élite devraient aimer la société. Si vous menez des enseignements de différents niveaux, vous aurez un grand nombre de techniciens et d’ingénieurs.»
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