Abdeljalil Gdoura: Le littoral sud de Sfax…Une richesse à valoriser
La fermeture de l’usine de transformation de phosphate appartenant à la Siape (Groupe chimique tunisien, GCT) décidée en 2008 et effective en 2019 ouvre de grands horizons pour le développement du littoral sud de la ville de Sfax, étalé sur 18 km allant du port de commerce jusqu’à Thyna couvrant deux communes avec une superficie de près de 5600 hectares (Sfax et Thyna), il offre d’importantes opportunités d’aménagement urbain et de développement.
Sur ce littoral, on trouve la Siape, le port, plusieurs entreprises industrielles, les salines qui couvrent environ 1700 hectares mais aussiquelques attractions:
• La zone humide des salines avec son habitat ornithologique d’importance internationale
• Le parc urbain étalé sur plus de 50 hectares avec un domaine forestier
• Le site archéologique remontant à l’ère punique et couvrant plus de 80 hectares
Ces richesses sont sous exploitées du fait des difficultés d’accessibilité et surtout de la pollution, une pollution provenant essentiellement des industries chimiques de l’usine de la Siape, une usine active depuis plus de soixante ans, fermée en juillet 2019 après un combat acharné de la société civile. D’autres sources de nuisances se trouvent aussi sur ce littoral, citant le dépôt de margine, l’ancienne décharge municipale, la station d’assainissement des eaux usées de l’ONAS fonctionnant au-delà de ses capacités, il y a aussi une centaine d’entreprises industrielles polluantes.
Conscient de l’importance de ces problèmes environnementaux, de leur impact sur la qualité de vie des citoyens et l’attractivité de la région, Sfax avec ses composantes institutionnelles publiques et privées et son tissu associatif, s’est mobilisé pour améliorer cette situation.
La Stratégie de Développement du Grand Sfax 2016 (SDGS) entamée en 2002, une étude concertée pilotée par la municipalité de Sfax et les 7 autres communes du grand Sfax, a retenu dans l’axe stratégique « dépollution et amélioration du cadre de vie » un projet structurant : la dépollution et la réhabilitation des côtes sud de Sfax, cette action s’est inscrite par la suite avec le soutien de l’APAL(agence de protection et d’aménagement du littoral) dans le programme SMAP III Tunisie, un programme européen de développement durable touchant particulièrement les activités environnementales des régions côtières méditerranéennes avec plusieurs domaines d’intervention dans la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC). Cette démarche, SDGS et SMAP III a été réalisée sur plusieurs années avant 2011 avec une démarche concertée associant tous les acteurs et soutenue par plusieurs instances internationales (Banque Mondiale, Medcities, coopération allemande…)
Elle a abouti à une vision et un plan d’actions qui sont restés sans réalisation avec les changements qu’a connu le pays en 2011.
Que peut-on faire maintenant après la fermeture de la Siape et des conseils municipaux élus ?
Au vu des études précédentes, les possibilités de développement sont énormes :
• Le site du GCT couvrant plus de 200 hectares accueillera notamment un technopôle, un centre de recherche, une zone verte et un centre médico-sportif. Il va s’inscrire donc dans une approche de développement respectant l’environnement.
• La réhabilitation du site archéologique de Thyna, l’un des plus important du pays mais mal exploré
• L’aménagement du parc urbain de Thyna et pourquoi pas un parc d’attraction à thème, un excellent projet qui rayonnera sur toute la région et le sud, sachant que les investissements dans les loisirs vont exploser, un tel projet améliorera l’attractivité de la région.
• La création d’un observatoire ornithologique au niveau de la zone humide classée Ramsar qui abrite beaucoup d’espèces d’oiseaux, d’un écomusée, des circuits de visite.
• Les réserves foncières peuvent être allouées aussi pour réhabiliter des dizaines de quartiers précaires afin d’améliorer l’habitat de quelques dizaines de milliers d’habitants,
• Création d’une zone d’activité économique respectant les normes environnementales,
• Le développement de l’écotourisme, de la culture, de l’éco-pêche, des activités nautiques…
Quoi de neuf par rapport à la SDGS et SMAP III
• L’accessibilité sera améliorée par la pénétrante sud déjà en cours de réalisation
• Le nouveau plan directeur du port du commerce consacre la partie sud du port au commerce avec une liaison rapide avec la plateforme logistique à Gargour (projet retenu) il donnerait plus d’efficience à la logistique,
• L’entrée en service bientôt du nouveau CHU à Thyna, il faut prévoir un nouvel étalement urbain dans son périmètre etréfléchir à décréter un périmètre de réserve foncière par l’AFH pour éviter une urbanisation anarchique
• Certains aussi proposent de réduire l’étalement des salines sur plus de 1700 HA, des réserves foncières énormes à très faible rentabilité pour la région et le pays, étant en bord de mer donc avec un potentiel de développement très important pour la logistique, la pêche,le tourisme, l’habitat...La région est toujours en quête d’une cité sportive, le site proposé au nord de la ville n’est pas convainquant, ce complexe sportif serait mieux au sud de la ville au littoral sud qui sera très bien connecté.
Une journée d’étude avec workshops sera organisée le 27 janvier avec tous les intervenants : les deux municipalités Sfax et Thyna, Taparura, des associations de développement, l’ordre des ingénieurs et l’université…
L’organisation de cette journée scientifique aura pour finalité de reprendre et d’actualiser ce processus de gestion intégrée et de requalification territoriale pour un défi métropolitain bien mérité de la région de Sfax qui a souffert longuement des nuisances des industries polluantes et surtout de la pollution des industries des phosphates. Beaucoup d’experts locaux et internationaux qui connaissent bien la région et son littoral prendront part au débat pour aboutir à un ensemble de recommandations ayant trait à la dépollution, à la planification et à l’aménagement dans une vision de développement durable.
« Requalification territoriale de la zone côtière sud de Sfax : un défi métropolitain pour la région de Sfax » sera le thème de cette journée d’étude, en plus de plusieurs institutions régionales, le ministère des collectivités locales et de l’environnement ainsi que le ministère de l’équipement prendront part à cette évènement. La société d’études et d’aménagement des côtes nord de la ville de Sfax Taparura désignée pour entamer la dépollution des côtes sud cherche à décrocher le financement des études de dépollution de ce littoral.
Beaucoup de potentiel, une ville, une région qui cherche à émerger des méfaits d’un développement qui a beaucoup impacté sa qualité de vie, Sfax avec environ un million d’habitants et une dynamique économique reconnue, mérite mieux et contribuerait certainement plus efficacement à la croissance du pays pourvu qu’on la laisse faire. La décentralisation inscrite à la constitution, le nouveau code des collectivités aiderait certainement toutes les régions à prendre leur destinée en main et à changer un modèle économique qui a montré ses limites.
Dr Abdeljalil Gdoura
Président Association Beitel khibra-Forum d’Action et de Développement à Sfax
- Ecrire un commentaire
- Commenter