En direct de Khartoum: La peur au ventre, les Tunisiens ont tout abandonné pour sauver leur vie
Tirs de feu nourris, en rafales, et avions surgissant du ciel, larguant leurs bombes! De brèves trêves, juste le temps de courir faire des courses. La pénurie de produits alimentaires et de carburant s’accélère.
Les prix, déjà très élevés, doubleront d’heure en heure. La consigne de l’ambassade est catégorique: rester à la maison et garder le contact téléphonique. Les journées, en plein ramadan, puis les jours suivants, deviennent longues. Aucune lueur d’espoir à l’horizon. Angoisse, peur. Seul un appel de l’ambassade vient apporter du réconfort. Les provisions s’épuisent. Comment tenir? Jusqu’à quand? Comment partir?
Tout abandonner et partir
Il fallait s’y résoudre! Quitter Khartoum au plus vite, laissant tout derrière soi. Pour de nombreux Tunisiens qui y résident, il n’y avait aucun autre choix. L’intensité des combats et l’ampleur des dégâts s’ajoutaient à la paralysie totale de la capitale. Point d’approvisionnement, coupures continues d’électricité, d’eau, de télécommunications et autres. Les rares provisions de produits alimentaires ne pouvaient plus suffire pour subsister. Impossible de sortir de chez soi, de toute façon, tout était fermé. Il fallait juste maintenir le contact avec l’ambassade et attendre les instructions pour le départ.
Partir, c’est une déchirure. Chacun ne pouvait emporter avec lui que des bagages légers, c’est-à-dire le juste nécessaire. Dans la précipitation, il fallait faire un tri rapide, ne prendre que l’essentiel, penser à mettre sa voiture à l’abri, puis, juste avant de partir, verrouiller portes et fenêtres. Partir, sans le moindre espoir de revenir.
Et notre ambassade?
Toutes les consignes de sécurité en pareille situation ont été respectées. L’ambassade, comme la résidence de l’ambassadeur, ont été fermées. En espérant qu’elles échapperont au pillage et qu’elles rouvriront bientôt.
Scènes d’horreur à Khartoum
Le choc est total en franchissant le seuil de la maison, après de longues journées de confinement. Forte odeur de mort, cadavres, gravats, déchets... Tout est fermé, très peu de personnes circulent. Des éléments armés jusqu’aux dents sont postés à chaque croisement. Tirs en rafales. Du feu et du sang.
Le voyage le plus long
Il aura fallu pas moins de deux jours et deux nuits, soit 48 heures en continu, pour que les ressortissants tunisiens évacués de Khartoum lundi 24 avril puissent arriver mercredi à Assouan, pour embarquer vers Tunis. Un parcours éreintant, sans pouvoir bénéficier d’une aire de repos équipée en sanitaires. Ni eau, ni café, ni restauration: il fallait pourtant tenir.
Les Affaires étrangères en première ligne
Depuis l’invasion irakienne du Koweït en août 1990, c’est la première grande évacuation de ressortissants tunisien assurée par le ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger et organisée sur le terrain par une ambassade de Tunisie. Il y a certes eu l’évacuation en février 2022 des Tunisiens en Ukraine, mais la Tunisie ne disposait pas d’ambassade à Kiev. La tâche était compliquée, exigeant le concours de nos ambassades dans les pays voisins pour assurer l’accueil aux frontières, ce qui a été accompli avec succès.
Cette fois, il fallait gérer en direct l’évolution de la situation au Soudan, établir un contact permanent avec les Tunisiens résidents et préparer avec les autorités tunisiennes un plan d’évacuation avec plusieurs hypothèses. Le ministre, instruit par le chef de l’Etat, mobilisera tous les services concernés du département qui fonctionneront en continu, et la coordination sera étroite avec le ministère de la Défense nationale pour envoyer un avion à Assouan. Sécurité et rapidité étaient les maîtres-mots. Une fois encore, la Tunisie volera au secours de ses ressortissants, là où ils se trouvent.
Une armée chevronnée
L’armée de l’air n’est pas à sa première intervention d’envergure pour assurer l’évacuation de Tunisiens en situation difficile. Tout récemment, lors de la pandémie de Covid, des avions militaires étaient envoyés jusque dans des pays lointains en Asie, en Afrique et ailleurs, pour assurer avec succès des missions de rapatriement.
Une ambassade efficace
L’ambassadeur Chafik Hajji aligne une longue expérience diplomatique, alternant des affectations au siège du ministère et à l’étranger. C’est ainsi qu’il fut notamment directeur général des affaires consulaires, ambassadeur à Nouakchott, Rabat et Alger. A la tête de l’ambassade de Tunisie à Khartoum, il s’appuie sur une équipe très réduite en nombre, mais très opérationnelle. Veillant au moindre détail dans cette opération d’évacuation, il sera lui-même ainsi que ses collègues dans le bus qui conduira nos compatriotes jusqu’à Assouan, puis dans l’avion militaire pour rallier Tunis. Aux postes frontaliers, il usera de toute son énergie pour surmonter les obstacles rencontrés et faire accomplir les formalités. Sa présence, son implication, son réconfort prodigué à tous seront hautement appréciés.
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