Opinions - 07.10.2012
Il faut un cadre de dépenses à moyen terme pour relancer l'économie
Les événements récents ont montré que tant que la sécurité des citoyens et de leurs biens n’est pas assurée, c'est toute l’économie nationale en souffre. Les agents économiques ont des craintes sur l’avenir et retardent leurs décisions d’épargne et d’investissement. D’autant plus que l’environnement européen et international est morose. Le PIB (produit intérieur brut) de la France, notre principal partenaire économique, sera de 0,1%, soit la stagnation en 2012. Celui de l’Italie sera négatif de 2,2%, sans parler de l’Espagne, -1,7% ou de la Grande Bretagne, -0,3%. Même la Chine voit sa croissance se réduire à 7,8%, considéré par les standards de ce pays, comme déjà une récession.
Ce contexte se complique par une inflation galopante, un taux de chômage trop élevé et un déséquilibre grave de nos comptes extérieurs. La situation du système bancaire, obéré par des crédits malsains accumulés tout au long des années de dictature et inspirant une confiance fragile, est très préoccupante. Les banques, faute de liquidités propres et, pour certaines de capitaux propres suffisants, se ravitaillent tous les jours auprès de la Banque centrale sur le marché monétaire pour financer en grande partie des crédits à la consommation dont l’économie a peu besoin.
C’est dans ce contexte peu reluisant, que l’Etat se doit d’intervenir pour relancer d’une manière sérieuse l’économie du pays. Le budget 2013 prend une importance particulière. Il devra tenir compte de deux principaux facteurs constatés en 2012: l’accroissement rapide des dépenses courantes (consommation publique) et la faiblesse des investissements publics. C’est pourquoi ce budget devrait s’insérer dans un cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) 2013-2015. Ce cadre devrait se baser sur une stratégie fondée sur un nouveau modèle de développement, visant une croissance rapide (6-8%) et garantissant les équilibres des revenus et des régions.
Le CDMT global est la projection du TOFE (tableau des opérations financières de l’Etat) sur la période de trois ans, fixant la limite budgétaire à ne pas dépasser. Ce plafond est la traduction de la compression des dépenses publiques dans la limite des recettes publiques et d’un taux d’endettement raisonnable, compatible avec les objectifs d’équilibre des comptes extérieurs et de stabilité des prix. Il fixera les priorités publiques et procédera aux allocations sectorielles des ressources conformes à ces priorités.
Il est évident à ce sujet que la priorité principale de l’Etat, dans le contexte actuel, est l’austérité. La masse salariale est en pleine explosion, passant de 6,7 milliards de dinars en 2010 à 7,7 milliards en 2011 et à une prévision de 8,6 milliards en 2012. Les effectifs de la fonction publique devraient non seulement se stabiliser mais se réduire dans les années à venir. Entendre le Ministre de l’emploi déclarer que 25.000 chômeurs seront bientôt recrutés dans la fonction publique est sidérant. Au lieu de proposer des réformes permettant de stabiliser et même réduire les coûts unitaires du travail pour permettre une meilleure compétitivité de l’économie tunisienne, son ministère cherche à alourdir les comptes publics de l’Etat. Il est également intéressant de noter que la réforme des horaires de la fonction publique n’a pas introduit la séance unique. Au lieu d’éviter quatre embouteillages par jour, cette réforme, qui devrait rapidement être elle-même réformée, laisse le gaspillage du temps et du carburant se prolonger, au détriment de la bonne gestion.
L’autre poste qui mérite l’usage du scalpel est celui des subventions aux carburants et aux produits de consommation tels que le café, le thé et le sucre. Elles ont abouti à un parc automobile sans commune mesure avec les capacités du pays et à la multiplication des cafés dans tous les coins du pays où la jeunesse se perd dans la consommation abusive des produits nocifs tels que le tabac. Ces subventions coûtent cher aux contribuables et devraient non seulement disparaître mais donner lieu à des taxations pour modérer la consommation abusive et drainer de nouvelles ressources au Trésor public.
L’accent devra être mis, bien entendu, sur l’investissement public. La faiblesse des réalisations dans ce domaine fondamental est due essentiellement à l’absence d’un outil précieux à la disposition de l’exécutif, à savoir une Direction générale des grands travaux au sein du Premier ministère. Une telle direction permettra la réalisation rapide des projets dépassant un certain seuil (200.000-300.000 dinars) dans tous les secteurs, ce qui éviterait la coordination entre les ministères verticaux et ceux des ministères du plan, des finances, de l’investissement. Les grands projets ont des effets multiplicateurs substantiels sur différents secteurs tels que le BTP, les matériaux de construction, le transport, l’énergie, l’agriculture et même l’artisanat. C’est dommage qu’une telle réforme structurelle n’ait pas pu voir le jour.
Le gouvernement, même s’il se considère provisoire, devrait s’inspirer de précepte « agis dans le monde d’ici-bas comme si tu devais vivre éternellement et agis pour l’au-delà comme si tu devais mourir demain ». Ces réformes seront bénéfiques à moyen et long terme.
Dr Moncef Guen
Ancien haut fonctionnaire du Fonds monétaire international
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