Céline Dion à Tel-Aviv
Soyons réalistes ! Le boycott aveugle d’Israël n’a pas abouti et n’aboutira pas si on ne change pas de stratégie. Ce n’est pas en gueulant quand on obtient quelque chose. Vous citez Mandela, mais vous oubliez que Mandela prône la résistance pacifique, diplomatique, durable. Le boycott actuel est à peine nuisible. Je suis pour un boycott adapté à notre époque, intelligent, invasif, aussi large que possible, mais aussi permanent que possible. Le boycott d’Israël par l’Union européenne (sur les produits issus des colonies palestiniennes) est efficace parce qu’il ne fait pas de bruit: il touche Israël (qui proteste vainement) dans le nœud gordien de l’occupation.
Quel est le bilan du boycott arabe mené depuis plus de soixante ans à partir des bureaux du Caire et de Damas ? Il est oublié, il est dans un état comateux(1). Pour qu’il devienne efficace, il faut qu’il soit actif, systématique et transparent avec des bilans réguliers et une communication active orientée vers le grand public mondial (les sympathisants de la cause palestinienne se comptent par dizaines de millions).
S’agissant de Céline Dion, son concert a été officialisé le 25 septembre 2019 dans le cadre de sa nouvelle tournée mondiale. C’était un seul concert, le jour de la St-Valentin en Israël (4 août 2020). Les billets ont été tous vendus en un éclair (20 000 au prix de 390 shekels, environ 100 euros).
Le 7 octobre 2019, Céline Dion accepte d’enchainer avec un 2e concert, le 5 août, dans l’amphithéâtre extérieur, actuellement en construction au parc HaYarkon et adapté à son concert (20 000 sièges).
La chanteuse a posté un visuel "See you soon Tel Aviv" sur les réseaux sociaux dès septembre 2019. Elle a des relations ancrées avec les Israéliens, en particulier Iris Adler et Tali Milchberg, les designers et cofondateurs de la marque internationale pour enfants « Nununu ». En 2018, ils ont lancé une nouvelle marque : « Célinununu ».
Les nobles âmes du boycott se réveillent trop tard(2), le 13 janvier 2020, quand toute a été plié et qu’un renoncement devient inimaginable, voire impossible (sauf problème de santé ou de guerre). Elles publient dans le quotidien communiste L’Humanité un appel au boycott dans une « tribune libre » signée notamment par des artistes palestiniens.
Soyons réalistes ! Il ne suffit pas de faire du bruit autour d’un boycott sans effet. Il aurait fallu intervenir bien avant, non pas pour faire renoncer Céline à une étape de son concert mondial (Tel Aviv), mais pour lui faire prendre conscience du drame palestinien (grâce à un lobbying mondial). En l’invitant, par exemple, à visiter une école palestinienne ou à faire une déclaration liminaire sur le sort des Palestiniens.
Elle refuserait ? Non, elle est assez sage pour protéger sa réputation : elle fera un geste, je suis sûr. Et ce geste sera, comme dit Bourguiba, une étape dans la longue marche vers la restauration des droits palestiniens.
Céline Dion est catholique. Elle peut être sensibilisée aussi sur le drame que vivent en Israël – surtout à Jérusalem – tous les Chrétiens d’Orient. Le mari de Céline, René, est de parents originaires de Damas, des catholiques d’Orient. Le nom de ses parents est Angélil, un nom dérivé du prénom arabe Abdel Jalil, transformé en patronyme Anjalil, et transcrit au Canada, en Angélil. L’amour de Céline pour René (1942-2016) est infini. Elle aurait été certainement sensible à ce qui se passe en Palestine si on ne la menaçait pas de boycott…
Samir Gharbi
(1) En février 1946, la Ligue arabe a créé un comité permanent chargé du boycott doté d’un bureau central du boycott au Caire. En 1948, à la création de l'État d'Israël, la Ligue interdit toute relation commerciale ou financière entre les états arabes et l'État d'Israël. En 1950, la Ligue adopte la résolution 357 qui jette les nouvelles bases du boycott : en mai 1951, un Bureau central du Boycott (CCB) est créé à Damas afin de coordonner les actions des membres de la Ligue et d'en accroître l'intensité…
(2) La Tribune libre adressée à Céline Dion est paru dans L’humanité le 13 janvier 2020 sous le titre : « Notre liberté est incomplète sans la liberté du peuple palestinien ». Elle débute ainsi : « Nous, chanteurs, auteurs-compositeurs, musiciens, acteurs et autres artistes palestiniens, apprenons avec inquiétude que Céline Dion a programmé deux concerts…à Tel-Aviv, en août 2020 ». Nous apprenons… Ils apprennent l’événement quand ? Pour finalement décider d’écrire plus trois mois après l’annonce de l’événement !
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Désolé, vous préconisez "un réalisme de soumission". celui de Bourguiba était un réalisme de combat. Ce qui sépare les deux c'est la profondeur de vue et de conviction !