Abdelhamid Sarraj: Le visionnaire perfectionniste

Par Docteur Ridha Kechrid - L’après-midi du lundi 12 juillet 2021, le destin a décidé, d’une manière subite, d’arracher à notre affection notre ami et frère Abdelhamid Sarraj. Sa disparition, à l’âge de 78 ans, est une perte cruelle pour sa famille, son épouse, ses enfants, ses petits-enfants, ses amis, ainsi que sa ville natale, Jemmal, au cœur du Sahel où il avait vu le jour, le 23 janvier 1942.

Figure charismatique du milieu touristique national, Si Abdelhamid est connu de tous par son franc parler, ses analyses pertinentes et son engagement exemplaire en faveur du développement du tourisme tunisien qu’il a marqué de son empreinte en fixant comme priorité sa mise à niveau permanente, afin qu’il soit en conformité avec les standards internationaux.

J’ai eu le privilège d’avoir connu le défunt à l’occasion d’un mariage à Sfax. Il m’avait été présenté par le Docteur Mohamed Aloulou. Si Abdelhamid était comme un poisson dans l’eau, il connaissait plusieurs personnes parmi les présents qui étaient heureuses de le rencontrer de nouveau, lui réservant un accueil des plus chaleureux.

Intégrant la STB en 1968, il sera basé à Sfax, au milieu des années 1970, comme directeur régional de la Société tunisienne de banque pour le Sud. Il avait abattu un travail colossal, mettant en œuvre tout son savoir et son savoir-faire pour servir la région. Ce qui lui avait permis d’acquérir une réputation et une notoriété inégalables à Sfax. Sa réussite couvrant Sfax et le Sud lui fera mériter sa promotion en qualité de directeur commercial de la STB, une fonction qu’il sera le premier à occuper.

J’ai conscience qu’en honorant la mémoire du regretté Abdelhamid Sarraj, ce n’est pas seulement à l’opérateur économique hors pair que je rends hommage, mais également au chef de famille exemplaire, à celui qui a été pour beaucoup d’entre nous un modèle, un compagnon de longue date, ou tout simplement un ami. Un homme dont nous sommes nombreux à reconnaître les convictions profondes à la fois professionnelles et humaines, ainsi que le don de soi et la générosité.

Diplômé de l’Institut des hautes études commerciales de Tunis et titulaire d’un diplôme d’études approfondies  en gestion économique et bancaire de l’Université de Paris, il a entamé une brillante carrière à la S.T.B où il a fait ses premières armes aux côtés de grands ténors du monde de la banque : Abdelaziz Mathari, Serge Guetta, Hassen Belkhodja, Habib Ghenim…

Il a assumé au sein de cette institution plusieurs responsabilités : directeur, directeur régional pour le Sud, directeur central, jusqu’à sa nomination par le Premier ministre feu Hédi Nouira en tant que président-directeur général de la Société Tourguness, propriétaire du complexe hôtelier Dar Jerba. Sous sa férule, elle connaîtra ses années les plus fastes.

Il s’est par la suite reconverti dans le secteur privé : il a été le fondateur en 1981, à l’âge de 39 ans, des hôtels Abou Sofiane et Riviera.Plus tard, il procédera à l’acquisition de l’Hôtel Festival à Monastir qui sera rebaptisé Bella Vista. Au total, ces unités compteront pas moins de 3.000 lits.

Visionnaire, dynamique, Si Abdelhamid se reposait dans l’action en cherchant à diversifier les activités de son groupe pour créer de la richesse et contribuer ainsi au développement du pays. Agriculture, promotion immobilière et restauration s’ajouteront à son arc d’affaires.

Le défunt était, par ailleurs, actif dans le milieu associatif : Fédération tunisienne de l’hôtellerie, Union nationale de l’industrie hôtelière, président fondateur du Rotary Club-Sousse. Il a construit et équipé une école primaire au sein de l’hôpital Farhat-Hached que j’avais visitée en 2005.

Pendant ses études supérieures, il a milité au sein de l’Uget, et jusqu’à ces dernières années, il tenait à organiser des rencontres périodiques avec les anciens de cette organisation pour évoquer avec nostalgie cette période.

Personnage raffiné, élégant, mélomane, amateur des arts et de la culture, Si Abdelhamid  se caractérisait par sa subtilité, sa recherche de perfection dans les détails, son tempérament  jovial  et son sens de l’humour. Un jour, il nous a raconté, avec son style anecdotique si particulier, une mésaventure qu’il avait vécue dans un aéroport du Moyen-Orient, où il avait été retenu par la police politique pour vérification, parce qu’il portait le même nom qu’un opposant politique syrien en exil au Caire (Abdelhamid Sarraj, ancien  vice-président de la République arabe unie du  temps de l’Union Egypte-Syrie).

Bon vivant, homme de bonne compagnie, il était fidèle à ses amis qu’il tenait à rencontrer, et notamment ceux qui étaient marginalisés par le pouvoir ou passaient par une traversée du désert.

Si Abdelhamid était pour moi le frère aîné auprès de qui j’ai toujours trouvé la bonne écoute et l’analyse judicieuse. Son décès est une perte cruelle, non seulement pour sa famille, mais également pour ses amis et toutes les personnes qui l’ont côtoyé.

Ta famille, tes amis, ton entourage pleurent et regrettent l’homme qui a laissé derrière lui le bilan d’une vie bien remplie au service de son pays. Cher Si Abdelhamid, tu nous manques beaucoup, nous ne t’oublierons jamais.

Notre chère Tunisie vit depuis quelques années dans le tourbillon de crises successives, et l’évocation du parcours lumineux de Si Abdelhamid ne peut que faire renaître l’espoir et servir de modèle aux générations futures.

Condoléances les plus attristées à toute la famille Sarraj : à ta chère épouse Nabiha, à tes valeureux enfants Nadia et Sofiene, à tes adorables petits-enfants Habib, Nabiha Jr, Khalil, Mahdi, Malek, Abdelhamid Jr ; avec mes meilleurs sentiments de sympathie et de soutien en cette dure épreuve.

Que ton âme repose en paix.

Docteur Ridha Kechrid