News - 05.07.2019

Saeb Erekat: "Europe, ne te joins pas à la grotesque danse de victoire de Trump avec les colons d’Israël"

Europe, ne te joins pas à la grotesque danse de victoire de Trump avec les colons d’Israël

Un trop grand nombre d’Etats européens trouvent d’innombrables prétextes pour ne pas exprimer un soutien public aux positions claires de l’Union Européenne concernant les violations israéliennes des droits humains des Palestiniens.

Il y a quelques jours, nous avons été les témoins d’un évènement symbolique d’un grotesque achevé, une scène jamais observée jusqu’ici de la part de l’administration américaine : l’ambassadeur de Trump en Israël, David Friedman, et son envoyé spécial, Jason Greenblatt, ont procédé à l’inauguration d’un projet - œuvre des colons israéliens - au cœur du village palestinien de Silwan, à Jérusalem-Est occupée, à quelques centaines de mètres du complexe de la Mosquée Al Aqsa.

C’était une célébration de la colonisation par excellence avec ses colons, leurs donateurs et leurs principaux soutiens politiques exprimant tous ensemble un message triomphal pour leur cause.
Les colons israéliens sont en train de recueillir le soutien plutôt inattendu d’une autre partie : plusieurs pays européens sont actuellement en train de fournir une couverture à l’occupation israélienne. Ils refusent tout effort pour rendre Israël responsable de son demi-siècle d’occupation de la Palestine, de ses violations des résolutions de l’ONU et de son déni systématique des droits des Palestiniens à l’autodétermination.

La position de l’Europe est fondée, en théorie, sur quelques principes : elle est pour la solution à deux Etats - un Etat de Palestine souverain et indépendant délimité par les frontières de 1967 et ayant pour capitale Jérusalem-Est. Dans la pratique cependant, la plupart des Etats membres de l’UE refusent de prendre une quelconque mesure concrète contre l’occupation israélienne.

Bien plus, l’Europe se livre librement au commerce des produits des colonies israéliennes. Aucun Etat de l’UE n’a appliqué les directives relatives au marquage des produits des colonies adopté en 2015. Plusieurs organisations européennes continuent de financer les colonies israéliennes. Les colons bénéficient des accords signés entre Israël et l’UE alors que des entreprises européennes poursuivent leur coopération avec l’occupation israélienne.

Mais quand les Palestiniens et les principales organisations des droits de l’homme réclament un minimum de mesures, comme par exemple l’appui à l’établissement du registre des compagnies impliquées dans l’occupation israélienne qui doit être établi par l’ONU, de nombreux pays européens trouvent d’innombrables échappatoires pour ne pas s’exprimer publiquement.
En ne prenant pas une attitude claire en faveur de ce registre, pourtant approuvé, depuis 2016, par le Conseil des Droits Humains des Nations Unies, les pays européens signifient ainsi au peuple palestinien que la diplomatie ne peut guère faire avancer les choses. Et, pendant qu’ils offrent plus de cadeaux aux colons, ces pays fournissent à l’occupation israélienne encore une nouvelle couche d’impunité.  

Ce manque d’appui fait partie d’une question encore plus vaste au Conseil des Droits Humains des Nations Unies. En 2012, le Conseil a décidé la création d’une mission d’établissement des faits au sujet des colonies israéliennes. A partir de là, Israël s’est mis à boycotter le point 7, un point permanent de l’ordre du jour adopté en 2007 : il s’agit de signaler et de rendre compte des violations israéliennes perpétrées dans les territoires occupés de Palestine et dans les autres pays arabes. Cette politique avait été mise en place par Avigdor Lieberman, ministre des Affaires Etrangères à l’époque, lui-même colon du reste.

Quelques années plus tard, d’autres pays, en majorité européens, ont suivi Israël sur cette voie. Qu’avaient-ils obtenu ?  Israël a-t-il mis fin à ses violations systématiques de la loi internationale ? A-t-il mis fin à son non-respect des droits humains et des résolutions des Nations Unies ?

Pas du tout. Indifférents aux conséquences, plusieurs pays européens ont décidé qu’il était « déloyal » « d’épingler » le seul Etat membre des Nations Unies qui n’a jamais honoré ne fusse qu’une seule résolution des Nations Unies.

L’évacuation du point 7 de l’ordre du jour du Conseil des Droits Humains des Nations Unies est un objectif clé des diplomates israéliens qui défendent la colonisation et dénient aux Palestiniens leurs droits. Leurs raisons sont aussi infondées que leurs affirmations au sujet  des colonies israéliennes -assimilables à des crimes de guerre au regard de la loi internationale- ne constituent pas un obstacle à la paix.
Israël n’est pas « épinglé ». C’est l’occupation qui l’est.

Mais si nous évoquons les deux poids deux mesures à propos d’Israël, il serait peut-être de bon ton  pour ces Etats de l’UE qui déclarent « partager les valeurs de démocratie, de droits humains et de la prééminence de l’autorité de la loi » avec Israël de commencer à parler de ces plus de 50 lois discriminatoires visant les citoyens non-juifs en Israël, y compris la loi de l’Etat-Nation juif qui n’accorde le droit à l’autodétermination qu’aux  seuls juifs dans les territoires contrôlés par Israël.

Concernant la Question de la Palestine, l’ONU porte une responsabilité particulière. Allouer un point précis de l’ordre du jour à la Palestine n’est pas quelque chose d’exceptionnel pour les Nations Unies.  Cela s’est produit avec le Chili sous la dictature de Pinochet ainsi qu’avec l’Afrique du Sud sous le régime d’apartheid. Les deux points n’ont quitté l’ordre du jour que quand le problème a été résolu.
En ce qui nous concerne, nous n’en faisons pas mystère : le point 7 ne disparaitra qu’avec la fin de l’occupation israélienne.

Il est tout aussi clair que ces Etats qui boycottent les discussions relatives aux violations des droits humains perpétrées par Israël sous le point 7 n’ont aucune envie de soutenir des actions contre l’occupation israélienne dans n’importe quel autre forum ou tribune. La véritable question n’est pas celle du point de l’ordre du jour mais plutôt celle du manque complet de volonté pour rendre Israël responsable de ses actes. 

Ces Etats européens qui boycottent le point 7 offrent une victoire aux colons israéliens. Plutôt que de boycotter une initiative diplomatique pour faire avancer l’exercice - depuis si longtemps attendu - des droits de la Palestine, ils devraient boycotter l’occupation israélienne, en mettant fin à sa culture de l’impunité.

Sur le terrain, les liens idéologiques tissés entre l’administration Trump et les colons israéliens ont déjà produit leurs effets. Le tunnel de Jérusalem-Est n’en est qu’un exemple ; dans la Vieille Ville, les colons sont en train de mettre la main sur des immeubles chrétiens, près de la Porte de Jaffa.   

Nous, Palestiniens, nous continuerons à user de notre droit de nous adresser aux organisations internationales pour faire progresser une paix juste et durable, fondée entièrement sur la fin de l’occupation israélienne qui a débuté en 1967 et nous continuerons à exiger la mise en œuvre de nos droits inaliénables, autodétermination comprise.

Mais si le reste de la communauté internationale ne passe pas à l’action maintenant, qu’attend-elle pour le faire ? Quand donc pense-t-elle que le « bon moment » sera enfin là ? Quand Israël aura procédé à l’annexion complète ou un petit peu avant ? 

Si vous croyez à la solution à deux Etats, vous devez agir maintenant. Le refus de faire un minimum de pas dans cette direction - respect des notifications du point 7 relatives aux droits humains des Palestiniens ou soutien à la publication du registre de la colonisation - contribue à la normalisation de l’occupation. Un tel refus signe votre propre complicité dans l’occupation israélienne**.

Saeb Erekat*

*Le Dr Saeb Erekat est le Secrétaire Général de l’OLP et le négociateur en chef pour la Palestine.
Traduit de l’anglais par Mohamed Larbi Bouguerra (Haaretz, 4 juillet 2019)
** Le 14 juin 2017, en séance plénière du parlement européen, le député Patrick Le Hyaric (gauche) a interpellé la Commission au sujet d’un crédit au profit du Ministère de la Sécurité Intérieure d’Israël, crédit de plus de 2,5 millions d’euros,  destiné à « harmoniser et partager des techniques d’interrogatoires entre les pays concernés afin de faire face aux nouveaux défis de la criminalité. » Or, fait remarquer ce député avec 38 autres de ses collègues, ce même ministère gère les prisons israéliennes où sont enfermés illégalement et abusivement des milliers de Palestiniens dont plus de 500 mineurs. Il est pourtant interdit par les règlements financiers européens de financer des entités ne respectant pas les principes édictés par la Charte des droits fondamentaux (Note du traducteur).




 

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