Le grand moment Palestine aux Nations-Unies : Historique ! Et le plan Macron

Un moment exceptionnel, émouvant, lundi après-midi, au siège de l’ONU à New York. Le président français, Manuel Macron a solennellement proclamé la reconnaissance de la France de l’Etat de Palestine. De concert, les dirigeants de nombreux autres Etats le suivront au podium, pour se joindre à la dénonciation du génocide perpétré dans les territoires occupés et à Gaza. Devant les sièges vides des Etats-Unis d’Amérique et d’Israël, mais une présence massive des autres Etats-membres, la grande salle de l’Assemblée générale de l’ONU a vibré quasiment à l’unisson avec le peuple palestinien.
En six minutes pour les chefs d’Etat, et quatre, pour les autres de délégation, en raison du grand nombre d’orateurs inscrits, chaque déclaration a été un réquisitoire contre l’oppression, la barbarie, et l’extermination. Privé de visa pour se rendre à New York, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbes, s’est résigné à s’adresser à l’Assemblée par vidéo. Pathétique.
Dans la rue arabe, un double sentiment de fierté de voir la cause palestinienne finalement portée avec tant de détermination et de soutien devant le concert des nations, mais aussi d’indifférence quant à la portée réelle de cette avancée. En Tunisie, comme dans la Palestine occupée et les pays arabes, la retransmission en direct de la conférence de haut-niveau convoquée par la France et l’Arabie saoudite, n’a pas empêché les joueurs de cartes et de dames dans les cafés de poursuivre leurs parties.
Quand on les interroge, ils expriment certes leur satisfaction mais ne manquent pas de s’interroger à propos de deux questions essentielles. D’abord, les différentes factions palestiniennes finiront elles par s’unir et constituer un front commun solide ? Et ensuite : Quel est le plan d’après ?
L’initiative française de convoquer cette conférence, conjointement avec l’Arabie saoudite suscite une haute appréciation. L’implication personnelle du président Macron et du prince Mohamed Ben Salmane, le déploiement actif de la diplomatie des deux pays, depuis des mois, et leurs efforts de ralliement à leur démarche de nombreux pays, petits et grands ont été précieux pour aboutir à ce revirement de position historique.
Le plan Macron
Empreint dans certains passages par des envolées lyriques, le discours prononcé par le président français a particulièrement retenu l’attention. Emanuel Macron propose un « plan de paix et de sécurité pour tous » en deux temps:
• « l’urgence absolue, celle de coupler la libération des 48 otages et la fin des opérations militaires sur tout le territoire de Gaza »,
• « la stabilisation et de la reconstruction à Gaza ».
Il affirme : « je pourrai décider d’établir une ambassade auprès de l’Etat de Palestine, dès lors que tous les otages détenus à Gaza auront été libérés et qu’un cessez-le-feu aura été établi. »
Extraits
« Nous sommes là car le temps est venu. Le temps est venu de libérer les 48 otages détenus par le Hamas. Le temps est venu d’arrêter la guerre, les bombardements à Gaza, les massacres et les populations en fuite. Le temps est venu car l’urgence est partout. Le temps de la paix est venu, car nous sommes à quelques instants de ne plus pouvoir la saisir. C’est pour cela que nous nous retrouvons aujourd’hui ici. Certains diront trop tard, d’autres diront trop tôt. Une chose est sûre nous ne pouvons plus attendre. (…)
Nous savons aussi le danger des guerres sans fin. Nous savons que le droit toujours doit l’emporter sur la force. Nous savons enfin de notre Histoire que l’attachement à l’universel et à la paix est l’héritage des siècles passés comme la condition du salut. J’affirme cela au nom de notre amitié avec Israël, à qui notre engagement n’a jamais fait défaut. Au nom de notre amitié aussi avec le peuple palestinien pour qui nous voulons que la promesse initiale des Nations unies, celle de deux Etats vivant côte à côte en paix et en sécurité devienne réalité.
Or à cette heure, Israël étend encore ses opérations militaires à Gaza dans l’objectif déclaré de détruire le Hamas. Mais ce sont les vies de centaines de milliers de personnes déplacées, blessées, affamées, traumatisées qui continuent d’être détruites. Alors même que le Hamas a été considérablement affaibli et que la négociation d’un cessez-le-feu durable reste le moyen le plus sûr d’obtenir la libération des otages.
Rien, rien ne justifie plus la poursuite de la guerre à Gaza. Rien. Tout commande au contraire d’y mettre un terme définitif maintenant, à défaut de l’avoir fait plus tôt. Pour sauver des vies.
Les vies des otages israéliens encore détenus dans des conditions atroces. Les vies des centaines de milliers de civils palestiniens accablés par la faim, la souffrance, la peur de mourir, le deuil de leurs proches. Sauver toutes les vies. Car depuis désormais près de deux ans, c’est bien la négation de l’humanité de l’autre et le sacrifice de la vie humaine qui prévalent. Oui, depuis le 7 octobre, c’est bien la vie de l’autre qui est niée.
Nous le disons depuis le premier jour de la guerre à Gaza : une vie vaut une vie.(…)
Je le sais pour être aussi allé au chevet des victimes palestiniennes des opérations militaires israéliennes, réfugiées à Al-Arish, des femmes, des enfants, dont je n’oublierai pas le regard. Je le sais, pour avoir rencontré des jeunes de Gaza accueillis en France et je pense à Rita Baroud qui aurait dû être avec nous aujourd’hui et qui continue de témoigner de la détresse de ses proches à Gaza.
Une vie vaut une vie. Et notre devoir à tous est de protéger les uns et les autres, devoir indivisible, comme l’est notre humanité commune.
Une solution existe pour briser le cycle de la guerre et de la destruction. C’est la reconnaissance de l’autre, de sa légitimité, de son humanité et de sa dignité. Que les uns et les autres rouvrent les yeux et voient des visages humains là où la guerre a placé le masque de l’ennemi ou les traits d’une cible. C’est la reconnaissance qu’Israéliens et Palestiniens vivent dans une solitude jumelle, solitude des Israéliens après le cauchemar historique du 7 octobre 2023, solitude des Palestiniens à bout de force dans cette guerre sans fin.
Le temps est venu. Car le pire peut advenir, qu’il s’agisse du sacrifice de tant d’autres civils, de l’expulsion de la population de Gaza vers l’Egypte, de l’annexion de la Cisjordanie, de la mort des otages détenus par le Hamas, ou des faits accomplis qui changent de manière irréversible la situation sur le terrain. C’est pour cela, c’est pour cela que nous devons aujourd’hui, ici même ouvrir ce chemin de paix, car depuis juillet dernier, l’accélération des évènements est terrible.Au point où nous en sommes, il est à craindre que les accords d’Abraham ou de Camp David soient remis en cause par l’action d’Israël et que la paix devienne impossible pour longtemps au Moyen-Orient. Il pèse donc sur nous une responsabilité historique. Nous devons tout faire pour préserver la possibilité même d’une solution à deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte-à-côte en paix et en sécurité.
Le temps est venu. C’est pourquoi, fidèle à l’engagement historique de mon pays au Proche-Orient, ou la paix entre le peuple israélien et le peuple palestinien, je déclare que la France reconnaît aujourd’hui l’Etat de Palestine.
Cette reconnaissance est une manière d’affirmer que le peuple palestinien n’est pas un peuple en trop. Qu’il est au contraire ce peuple qui ne dit jamais adieu à rien, pour parler avec Mahmoud Darwich. Un peuple fort de son Histoire, de son enracinement, de sa dignité.
La reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien n’enlève rien aux droits du peuple israélien, que la France a soutenus dès le premier jour et au respect desquels elle n’est pas moins attachée. Précisément car nous sommes convaincus que cette reconnaissance est la solution qui seule permettra la paix pour Israël. Jamais la France n’a manqué à Israël quand sa sécurité était en jeu, y compris face aux frappes iraniennes.
Cette reconnaissance de l’Etat de Palestine est une défaite pour le Hamas comme pour tous ceux qui attisent la haine antisémite, nourrissent des obsessions antisionistes et veulent la destruction de l’Etat d’Israël.
Cette reconnaissance de la France est accompagnée par celles qui seront annoncées aujourd’hui entre autres et je les en remercie, celles d’Andorre, de l’Australie, de la Belgique, du Canada, du Luxembourg, de Malte, de Monaco, du Portugal, du Royaume-Uni, de Saint-Marin qui ont attendu avec nous ce moment et saisissant l’appel de juillet dernier, ont fait le choix de la responsabilité, de l’exigence et de la paix. Cela, après le choix fait par l’Espagne, l’Irlande, la Norvège et la Slovénie en 2024, et tant d’autres auparavant.
Cette reconnaissance ouvre le chemin d’une négociation utile aux Israéliens comme aux Palestiniens.
Ce chemin est celui du plan de paix et de sécurité pour tous que l’Arabie Saoudite et la France ont soumis au vote de cette assemblée, qui l’a adopté à une très large majorité. Il porte notre ambition commune de briser l’engrenage de la violence et de changer la donne sur le terrain.
Nous avons su faire un pas les uns vers les autres, sortir de nos postures habituelles et nous donner des objectifs concrets. Il nous appartient maintenant, ensemble, de déclencher une mécanique de paix répondant aux besoins de chacun.
Le premier temps ce plan de paix et de sécurité pour tous, est celui de l’urgence absolue, celle de coupler la libération des 48 otages et la fin des opérations militaires sur tout le territoire de Gaza. Je salue les efforts du Qatar, de l’Egypte et des Etats-Unis pour y parvenir et demande à Israël de ne plus rien faire qui entrave leur aboutissement. Le Hamas a été vaincu sur le plan militaire par la neutralisation de ses chefs et de ses décideurs. Il doit l’être sur le plan politique pour être véritablement démantelé. Dès lors que le cessez-le-feu aura été agréé, c’est un effort massif que nous devrons produire collectivement pour porter secours à la population de Gaza.
Je remercie l’Egypte et la Jordanie de leur engagement ici et rappelle à Israël l’obligation absolue qui est la sienne de faciliter l’accès humanitaire à Gaza pour aider une population aujourd’hui démunie de tout.
Le deuxième temps est celui de la stabilisation et de la reconstruction à Gaza. Une administration de transition intégrant l’Autorité palestinienne, la jeunesse palestinienne accompagnée de forces de sécurité dont nous accélérerons la formation, aura le monopole de la sécurité à Gaza. Elle mettra en œuvre le démantèlement et le désarmement du Hamas, avec le soutien des partenaires internationaux et les moyens qui seront nécessaires à cette mission difficile. La France est prête à contribuer à une mission internationale de stabilisation et à soutenir, avec ses partenaires européens, la formation et l’équipement des forces de sécurité palestiniennes. Dès lors que la négociation le permettra, le Conseil de sécurité pourra décider le déploiement d’une mission de soutien civil et sécuritaire, en liaison avec les autorités palestiniennes, avec le consentement des autorités israéliennes.
Il reviendra aussi à l’Etat de Palestine de rendre espoir à sa population éprouvée par des années de violence, d’occupation mais aussi de division et d’incurie. Il lui reviendra donc d’offrir à son peuple un cadre d’expression démocratique, renouvelé et sécurisé. Le président Mahmoud Abbas en a pris l’engagement auprès du prince Mohamed bin Salman et de moi-même. Il a condamné avec force les attaques terroristes du 7 octobre 2023. Il a affirmé son soutien au désarmement du Hamas et s’est engagé à l’exclure de la gouvernance à venir de Gaza comme de l’ensemble du territoire palestinien. Il a affirmé son engagement à lutter contre les discours de haine et a promis une rénovation en profondeur de la gouvernance palestinienne.
La France sera attentive à la pleine mise en œuvre de chacun des engagements pris auprès d’elle.
Cette Autorité palestinienne renouvelée est une condition nécessaire à la réussite de l’indispensable négociation qu’il faudra reprendre pour parvenir à un accord sur chacune des questions relatives au statut final. C’est dans ce cadre, aussi, que je pourrai décider d’établir une ambassade auprès de l’Etat de Palestine, dès lors que tous les otages détenus à Gaza auront été libérés et qu’un cessez-le-feu aura été établi.
L’exigence de la France à l’égard d’Israël ne sera pas moins grande. Avec ses partenaires européens, elle indexera le niveau de sa coopération avec lui sur les dispositions qu’il prendra pour mettre fin à la guerre et négocier la paix.
C’est bien grâce à ce chemin que nous obtiendrons un Etat de Palestine souverain, indépendant et démilitarisé regroupant l’ensemble de ses territoires, reconnaissant Israël, et étant reconnu par Israël, dans une région qui connaîtra enfin la paix.
J’attends aussi de nos partenaires arabes et musulmans qui ne l’ont pas encore fait, qu’ils tiennent leur engagement de reconnaître l’Etat d’Israël et d’avoir avec lui des relations normales dès lors que l’Etat de Palestine aura été établi. Ainsi ferons-nous la démonstration d’une double reconnaissance au bénéfice de la paix et de la sécurité de tous au Proche-Orient.
Voici, Mesdames et Messieurs, quel est notre plan de paix. Il établit un engrenage exigeant pour sortir de la guerre et entrer dans une phase décisive de négociation. Il permet que la paix israélo-palestinienne soit le premier pilier d’une nouvelle architecture de paix et de sécurité au Proche et Moyen-Orient. Il crédibilise aussi la possibilité d’une plus grande intégration économique.
Rien ne sera possible sans que les autorités israéliennes s’approprient pleinement notre ambition renouvelée de parvenir enfin à la solution des deux Etats. Je sais leurs réticences et leurs craintes. J’entends avec beaucoup de respect le peuple israélien, sa tristesse et sa fatigue, et je veux croire que les autorités israéliennes l’entendront également et sauront s’engager à leur tour. Je sais que le peuple israélien et ses dirigeants peuvent en avoir la force. Je me souviens du jeune homme que j’étais, apprenant l’assassinat terrible d’Yitzhak Rabin, il y a près de 30 ans, tué pour avoir voulu la paix. Au moment où la mort allait le ravir, le guerrier héroïque de l’Etat d’Israël venait de prononcer ces mots : « J’ai fait la guerre aussi longtemps qu’il n’y avait aucune chance de faire la paix ». Cette chance existe là aujourd’hui. 142 Etats proposent cette paix, main tendue prête à être serrée.
Alors, oui, le temps est venu d’arrêter la guerre à Gaza, les massacres, la mort, tout de suite.
L’urgence nous le commande. Le temps est venu pour Israël de vivre en paix et en sécurité, de la Galilée à la Mer Rouge, par la mer Morte, par le lac de Tibériade, et par Jérusalem.
Le temps est venu de ne plus discuter nulle part l’existence d’un Etat d’Israël et d’en faire une évidence.
Le temps est venu de rendre justice au peuple palestinien et ainsi de reconnaître un Etat de Palestine, frère et voisin, à Gaza et en Cisjordanie et par Jérusalem.
Le temps est venu de chasser de ces terres le visage hideux du terrorisme et de bâtir la paix. Oui, bâtir la paix, c’est ce qui nous rassemble ici. Et telle est l’espérance qui peut se construire. Alors que pour certains commence une année nouvelle, c’est un choix à faire et c’est notre devoir. La paix est beaucoup plus exigeante, beaucoup plus difficile que toutes les guerres.
Mais le temps est venu."
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